Le donjon de la Mal-Coiffée, vestige médiéval de l’Allier aux lourds secrets

Le donjon de la Mal-Coiffée, vestige médiéval de l’Allier aux lourds secrets

Elle trône fièrement au cœur de la ville de Moulins depuis plus de 600 ans. Emblème du patrimoine bourbonnais, cette tour a connu les splendeurs de la monarchie et les drames de la Seconde Guerre mondiale. Appelée communément « la Mal Coiffée » à cause de sa toiture tronquée, elle est aujourd’hui un lieu de mémoire où les marques du temps sont visibles sur ses épais murs en pierre. Ensemble, remontons le fil pour découvrir les secrets de cet étonnant donjon qui ne laisse personne indifférent !

 

Aux origines de la Mal-Coiffée

 

Tout a commencé au milieu du XIème siècle lorsque Moulins devient un lieu stratégique pour les seigneurs de Bourbon. A la croisée des voies terrestres et navigables, cette petite ville est affublée d’une tour érigée en haut d’un promontoire. Idéale pour observer les allées et venues des visiteurs et des éventuels envahisseurs, la tour se métamorphose en château dès 1327 pour devenir un palais et une place forte défensive.

Dix ans plus tard, la Guerre de Cent Ans débute et le duc de Bourbon, aka Louis II, est fait prisonnier à Poitier par les Anglais. A sa libération en 1366, il veut reprendre les rennes de son duché et décide de rebâtir le château ! Pendant plus de trente ans, les ouvriers s’attèlent à monter pierre par pierre les murs des quatre ailes disposées autour de la cour intérieure et des quatre tours. Ces dernières sont toutes couronnées de créneaux, de mâchicoulis et de hourds, sauf la tour maîtresse qui a été creusée pour faire office de citerne. A sa vue, Louis XIV se serait écrié : « C’est une belle tour, mais elle est mal coiffée ! » Un surnom qui lui a collé à la peau...



 

Une reconversion inattendue

 

Le château continue sa transformation au fil des décennies. Pierre II et Anne de Beaujeu agrandissent l’aile nord dans un style gothique flamboyant avant de construire une chapelle et un pavillon dans un style Renaissance. Ce monument hétéroclite passe ensuite sous propriété royale en 1531 avant d’être à nouveau modifié par Catherine de Médicis, puis en parti détruit dans la nuit du 2 au 3 juin 1755 par un violent incendie.

Laissé presque à l’abandon après le ravage des flammes, il est vendu comme ruine. Seule survivante, la tour de La Mal-Coiffée est reconvertie en prison à partir de 1780 jusqu’à la fin du XXème siècle. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle passe sous le contrôle des Allemands et devient le fief de la Gestapo. Aujourd’hui musée départemental, ce donjon conserve les stigmates des périodes sombres de notre histoire. Sur les murs des cachots ont été conservés les écritures et les dessins des prisonniers qui se sont succédé.

 

Une tour qui résiste à toutes les épreuves !

 

Du château érigé par Louis II puis modifié par Pierre II et Anne de Beaujeu, il ne reste aujourd’hui que notre fameuse Mal Coiffée, la grande courtine, la tour des archives et des caves. Un ensemble solide qui a résisté aux guerres, aux flammes, aux changements de régime politique et tout simplement au temps qui passe. Une prouesse certainement due à la robustesse de l’architecture médiévale, en atteste les dimensions impressionnantes de la tour : 45 mètres de hauteur, une assise de 20 mètres par 15, sept étages au-dessus du sol et trois en-dessous ! A l’origine destinée à recevoir les archives du duché, elle sert de logement pour accueillir les conseillers du duc et les proches de la duchesse.  

Si les murs en pierre sont particulièrement résistants, ils cachaient à l’époque un réseau de canalisation qui alimentait plusieurs robinets. Un système ingénieux qui faisait venir la source de Bardon située à côté d’Yzeure jusqu’aux baignoires en chêne précieux du château. D’ailleurs, on ne parlait pas de salles de bain, mais d’étuves !



 

Mais comment a été construit la Mal-Coiffée ?

 

Après l’époque des châteaux composés d’une tour et d’une palissade en bois, la pierre devient incontournable dès le XIème siècle. Solide, ce matériau est aussi très lourd à transporter ! Il est donc indispensable de s’approvisionner à la carrière la plus proche. C’est le cas de la Mal-Coiffée qui est agrémentée de pierres de taille provenant du village de Coulandon situé à quelques kilomètres. Pour lier ces pierres avec les autres matériaux et protéger les murs, on mélangeait à l’époque du sable et de la chaux afin de former un mortier. Ce mélange servait également à sceller les carreaux de terre cuite qui habillaient le sol. Quant au toit, il était recouvert en partie d’ardoise venue par bateau d’Anjou.

 

Derrière les murs de la Mal-Coiffée

 

À l’intérieur de la tour, un escalier en colimaçon serpente la structure pour desservir plusieurs chambres aux étages supérieurs et accéder à la courtine offrant un superbe panorama sur le bourbonnais. Dans la chambre de jour du duc appelée « parement », on peut observer la robustesse de la poutre maîtresse de 60 cm de large et du pilier porteur au centre de la pièce, tous deux d’origine. Au sous-sol, deux salles basses voûtées d’ogives sont éclairées par un filet de lumière provenant de trois ouvertures de tirs. Il fallait bien se protéger contre les ennemis ! Autre élément notable : un arc diaphragme en pierre dans la chambre de jour de la duchesse. Réalisé en calcaire d’Apremont, il servira de modèle pour d’autres châteaux bourbonnais. Ce matériau reconnaissable par sa couleur beige clair a également été utilisé pour la réalisation de sculptures dans la pièce de la duchesse.

 

Quand La Mal Coiffée dévoile ses secrets

 

Après avoir été une maison d’arrêt pendant plus de 200 ans, la Mal-Coiffée est rachetée pour un franc symbolique par le conseil départemental de l’Allier en 1986. Des fouilles archéologiques ont ainsi pu être menées afin d’étudier sa structure avant l’incendie de 1755. Résultat, il a fallu évacuer plus de 1000 m3 de déblais pour mettre à jour des salles et du mobilier ! Un travail de longue haleine qui a payé puisqu’on a pu retrouver de la vaisselle, des pièces de monnaie et des sculptures. Un vrai trésor mis en valeur dans les salles du château désormais restauré et ouvert au public. La façade en pierre a également révélé quelques mystères : on distingue la silhouette d’un personnage avec une objet autour de la taille… Peut-être est-ce la fameuse ceinture Espérance, l’insigne de l’ordre de chevalerie fondé par Louis II ? Qui sait !

 

Si vous souhaitez plus d'informations et visiter Le Donjon de la Mal Coiffée, rendez-vous sur le site de l'office de tourisme de Moulins.

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