" À chaque nouveau coup de pelle, on trouvait de nouveaux ossements de dinosaures ! "

Pierre et paléontologie font bon ménage en Nouvelle-Aquitaine. L’activité de carrière a permis ces dernières années de découvrir que le sol de ce territoire renferme des trésors : des milliers d’ossements de dinosaures qui font l’objet de fouilles et sont exposés notamment au Musée d’Angoulême et au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. Parmi les dernières découvertes extraordinaires, les restes d’un herbivore géant qui mesurait 30 mètres de long. Nous vous proposons un voyage au royaume français des dinosaures !

Autour de vous, et à perte de vue, une jungle luxuriante dominée par les fougères, les cycas et les conifères. Il fait chaud, l’atmosphère est humide. Tout à coup, vous apercevez dans le ciel, tournoyer, un énorme animal, mi-oiseau, mi-reptile, et derrière vous apparaît une forme immense : un dinosaure !

Non, vous n’êtes pas tombé au milieu du Pacifique sur l’île fictive Isla Nublar du film Jurassic Park où le milliardaire John Hammond et son équipe de généticiens avaient ramené à la vie les dinosaures grâce au clonage. Vous êtes à Angeac-Charente, petite commune française de 351 habitants (dernier recensement), à quelques encablures d’Angoulême, au cœur de la région Nouvelle-Aquitaine… Et vous venez « simplement » de faire un bond dans le passé de 140 millions d’années, au cœur de la période Crétacé !

Car si la Charente est aujourd’hui une terre de gastronomie et d’arts - son cognac, son pineau, ses cagouilles, ses melons, sa Bande Dessinée, sa Faïence et ses pierres naturelles -, elle fût jadis très fréquentée par nos ancêtres archosauriens ovipares (les dinosaures pour faire simple), au point qu’elle est devenue au fil des découvertes un terrain de jeu formidable pour les paléontologues. « Il y a 140 millions d’années, à la faveur d’une baisse du niveau marin, la Nouvelle-Aquitaine est devenue une plaine humide et marécageuse. Elle s’est ainsi retrouvée peuplée de dinosaures qui y ont trouvé une zone propice à leur développement », éclaire Jean-François Tournepiche, le conservateur en chef du patrimoine du Musée d’Angoulême, qui étudie et expose une impressionnante collection d’ossements de dinos, découverts à l’occasion des multiples campagnes de fouilles. « Au total, nous avons déjà exhumé plus de 10 000 ossements et 110 000 fragments de cet incroyable écosystème parfaitement conservé ! », s’enthousiasme ce paléontologue passionné.

 

Sur le site de la carrière d’Angeac-Charente, chaque été, 50 professionnels et étudiants armés de truelles et de pinceaux, fouillent avec enthousiasme

Mais comment sont mis à jour ces trésors du passé ? « Grâce à l’activité des carriers », répond Jean-François Tournepiche. « Il y a un travail remarquable engagé avec les professionnels du secteur pour favoriser ces recherches. » Pour s’en rendre compte, retour donc à Angeac-Charente, sur le site de la Carrière Audoin et Fils. Depuis plus d’une décennie, l’activité quotidienne de production de sable et de granulats qui alimente le secteur de la construction locale, cohabite régulièrement avec les fouilles et la science. « C’est à l’été 2010, que nous avons fait une première découverte, se souvient Vincent Audoin, le président de la société. Il s’agissait d’une vertèbre de dinosaure. Et à chaque coup de pelle, on trouvait de nouveaux ossements. Vous imaginez notre émotion ! C’est là qu’on a compris que l’on avait sous nos pieds une terre de patrimoine d’une richesse exceptionnelle. On s’est rapidement pris au jeu, d’autant que cela colle parfaitement à nos valeurs environnementales et sociétales. »

L’entreprise, adhérente à la démarche Cap environnement de l’association UNICEM entreprises engagées, s’est ainsi rapprochée des équipes municipales en faisant don d’un terrain pour continuer les fouilles. « À la différence de l’archéologie, la paléontologie n’est pas protégée, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’arrêt d’exploitation quand une découverte est faite. Nous mettons donc tout en œuvre pour faciliter le travail des scientifiques, et sur le site, tout le monde est sensibilisé. »

Temps forts : chaque année, pendant un mois d’été, au moment des basses eaux, les chercheurs investissent librement le site pour fouiller sans relâche. Grâce aux travaux de carrière qui mettent à jour les couches géologiques, ce sont plus de 50 professionnels et étudiants armés de truelles et de pinceaux, qui décortiquent minutieusement les couches lignitifères les unes après les autres. Ces dernières années, ils ont dépoussiéré plus de 7 000 ossements de dinosaures et autres animaux, issus d’une cinquantaine d’espèces différentes. Les recherches sont ensuite menées le reste de l’année au centre de recherches archéologiques.

 

 

Un fémur de 2 mètres et de 500 kg découvert… il appartenait à un sauropode géant !

L’une des plus incroyables découvertes réalisées sur place date de l’été 2019 : un fémur de dinosaure de plus de 2 mètres et pesant plus de 500 kg. Les chercheurs estiment que son propriétaire, qui reposait ici depuis 140 millions d’années, devait approcher les 30 mètres de long, 8 mètres d’envergure et peser au moins 4 tonnes… gigantesque ! Il s’agissait probablement d’un sauropode, un herbivore quadrupède géant. Un premier fémur avait d’ailleurs été trouvé sur le site en 2010.

« C’est une aventure humaine incroyable que nous vivons entourés de ces spécialistes, s’enthousiasme Vincent Audoin. Les équipes nous ayant transmis leur passion, il était impensable de ne pas œuvrer dans ce sens, sachant tout ce qu’il y a sous nos pieds. Nous avons donc décidé d’acheter spécialement des terres pour les mettre à disposition. » La société a également noué un partenariat avec le Musée d’Angoulême et le Muséum National d'Histoire Naturelle afin de protéger les découvertes paléontologiques de la sablière d'Angeac-Charente. Ces collections données au Musée d'Angoulême sont devenues « Trésor National ».

Et la paléontologie a encore de beaux jours devant elle en Nouvelle-Aquitaine. « Vu la richesse de ce territoire, nous avons encore des décennies de travail », promet Jean-François Tournepiche. La région compte en effet de nombreux autres gisements fossilifères comme le Berriasien de Cherves-Richemont ou encore l’Albien-Cénomanien à Archingeay.

N’en déplaise à l’excentrique John Hammond, pas besoin de Jurassic Park pour transmettre la passion des dinosaures à des générations d’enfants. L’industrie de la pierre, et les carrières qui permettent de mettre à jour les trésors du passé, continueront à redonner vie aux plus incroyables habitants qui ont peuplé notre planète !

 


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