La carrière d’Aubigny (89) : quand la pierre met tous les sens en éveil

La carrière d’Aubigny (89) : quand la pierre met tous les sens en éveil

Blancheur de la roche, immensité du lieu, bruit des outils, douceur de la pierre… lorsque l’on pénètre dans l’ancienne carrière d’Aubigny, dans l’Yonne, transformée aujourd’hui en musée, c’est une véritable expérience sensorielle qui démarre. À travers les 16 salles réparties sur près d’un hectare, ce lieu unique est l’expression de toute l’activité ancestrale des carriers depuis l’époque romaine jusqu’en 1940. La Vie en Pierre vous emmène dans les coulisses de cette ancienne carrière souterraine ouverte au public, pour une visite guidée à la fois visuelle, auditive et tactile mais aussi olfactive et même gustative… c’est parti !

 

Ouvrez grands les yeux sur la beauté de la pierre d’Aubigny !

Lumière s’il vous plaît !

« Le volume, la grandeur, ces hauteurs de plafond jusqu’à 20 mètres, on se sent très modeste ! » Ce qui a marqué Jean-Bernard Letertre, président de l’association de la carrière d’Aubigny la première fois qu’il y est entré, c’est bien l’immensité du lieu. En 1992, l’association décide alors de la mettre en lumière pour partager cette splendeur avec le plus grand nombre. « Les carriers qui y travaillaient n’ont jamais pu voir la carrière dans son intégralité. Équipés d’abord de lampes à huiles puis de lampes à acétylène, ils n’ont jamais vu qu’à quelques mètres devant eux. »
Aujourd’hui, les visiteurs ont donc la chance d’avoir une vue d’ensemble de cette magnifique carrière souterraine au cœur de l’Yonne. 

Sur les traces des carriers

Sur les parois et les plafonds, on peut observer nombre de stries et de trous, traces des outils utilisés par les carriers pour extraire la roche pendant des centaines d’années jusqu’en 1940, date de la fin de l’exploitation. Les tâches noires au plafond ? Ce sont les traces de leurs lampes à huile qui dégageaient beaucoup de fumée. 

À Aubigny, la pierre était d’abord extraite pour construire églises, châteaux et quelques édifices privés. « La méthode d’extraction était alors encore assez grossière. Mais à partir du 18e et au 19e siècles, les volumes ont été beaucoup plus importants, la pierre était communément utilisée pour les constructions de la région. La technicité des méthodes d’extraction est devenue beaucoup plus pointue, permettant d’accomplir un travail plus fin. » 

Une œuvre 60 mètres sous terre 

Un travail d’orfèvre qui a façonné la pierre sur des millénaires. « J’aime cet aspect très cubique, très blanc de la carrière, qui fait aujourd’hui penser à de l’art contemporain » partage Jean-Bernard Letertre. « On ne sait plus très bien si on y a extrait des blocs de pierre ou si on l’a construite avec des blocs de pierre ! Aujourd’hui, ces jeux de lumière, ce blanc immaculé : c’est fabuleux ! »

Au-delà de son aspect original, de l’art, il y en a un peu partout dans la carrière d’Aubigny. Sur les deux tiers du parcours, on peut en effet admirer des dizaines d’œuvres, sculptures, objets taillés dans la pierre locale. « Certaines de ces œuvres ont été réalisées directement dans la carrière par des artistes contemporains. Un bel hommage à la matière ! » 

Mais l’œuvre la plus étonnante est sans doute le fameux escalier de l’Ascension. Sur place, durant 10 ans, lors des fêtes de l’Ascension et de la Toussaint, une quarantaine de Compagnons du Tour de France ont construit, devant le public, cet escalier monumental en pierre d’Aubigny : 9 mètres de hauteur, 4 mètres de diamètre et 25 tonnes de pierres taillées et sculptées !

La pierre d’Aubigny à ciel ouvert 

Même en sortant de cette carrière souterraine, on continue à profiter de la beauté de la pierre d’Aubigny. Et pour cause : on la retrouve partout dans le patrimoine architectural de la région, appelée la Forterre. Dans les villages alentours, notamment à Taingy où se trouve la carrière, on est frappé par la blancheur de cette pierre de taille, souvent rehaussée par le rouge de la brique de la Puisaye voisine. Toujours dans l’Yonne, les cathédrales de Sens et d’Auxerre sont également construites avec la pierre d’Aubigny. Sans oublier, à quelques kilomètres seulement de la carrière, le château de Druyes-les-Belles-Fontaines

Plus loin encore, saviez-vous que c’est la pierre d’Aubigny qui a servi à constituer les quatre piles de base de la Tour Eiffel en 1886 ? À Paris toujours, la pierre calcaire de l’Yonne a été utilisée pour la construction de bâtiments importants comme l’Hôtel de Ville, le Conservatoire des Arts et Métiers, le Jardin des Plantes ou encore le célèbre Opéra Garnier. 

Au contact de la pierre d’Aubigny

Une expérience de taille 

En entrant, on ressent très vite l’humidité du lieu. Sa fraîcheur aussi puisque la température n’y dépasse jamais les 12 à 14°. Avec ses deux couloirs d’entrée, la carrière dispose en effet d’une sorte de ventilation naturelle. Si la pierre peut être alors humide au toucher, elle est surtout extrêmement douce et très agréable à caresser. Pour que le visiteur puisse faire cette expérience du contact avec la matière brute, des ateliers de découverte de la taille de pierre sont donc proposés, aux adultes comme aux enfants. Chacun peut alors, en une heure, à partir d’un morceau de pierre douce, réaliser un bas-relief.

Dans la peau d’un carrier 

Ce qui distingue la carrière d’Aubigny de ses consœurs : elle n’a jamais été exploitée avec des outillages mécaniques, uniquement par la main de l’Homme. Deux outils étaient essentiellement utilisés, venus tout droit de l’Age du fer : la lance et l’aiguille. La lance, c’est cette lourde barre de fer pointue à une extrémité, suspendue par une chaîne à un support. L’aiguille, elle, est plus petite et sans support. « C’était un travail très physique » explique Jean-Bernard Letertre. « Pour essayer de se rendre compte des efforts réalisés par ces carriers, les visiteurs du 21e siècle peuvent manier les outils en métal encore en place et mis à leur disposition. » 

Quand la pierre murmure à l’oreille des visiteurs 

Au son de la carrière

Lorsque la carrière était encore exploitée, ce sont au maximum une vingtaine d’hommes qui travaillaient la pierre d’Aubigny. On imagine alors aisément le bruit des outils d’extraction sur le front de taille, leur écho dans ce lieu si vaste ainsi que celui de leurs voix. Aujourd’hui, grâce aux ateliers de découverte proposés par la carrière, les bruits sont les mêmes : ceux de la taille de pierre et le son des outils, ou celui des ciseaux qui résonnent sur la matière. 
C’est sans doute en hiver, lorsque la carrière est fermée au grand public, que le lieu dévoile ses bruits les plus fascinants. « Certains diront que j’ai rêvé, mais lorsque tout est silencieux autour, on entend parfois la pierre craquer… » 

Une carrière qui laisse sans voix 

Jean-Bernard Letertre aime aussi tendre l’oreille pour entendre les commentaires des visiteurs. « Dans un tel lieu, il y a beaucoup d’exclamations. Les gens sont sidérés par les volumes, ceux du site mais aussi celui des blocs extraits. Au 19e siècle, ils pouvaient aller de 12 à 15 tonnes. Les carriers les faisaient rouler sur de simples rouleaux métalliques. Cela suscite l’admiration des visiteurs pour ces hommes qui n’avaient pas conscience de la grandeur de ce qu’ils réalisaient. » 

Une acoustique hors pair 

Régulièrement, deux à trois fois par an, c’est le son du violon, de la contrebasse ou même de la trompette que l’on peut alors entendre. L’association qui gère la carrière profite en effet de l’acoustique du lieu pour organiser des concerts de musique classique et de chorales. « Un espace choisi avec soin est même dédié à ces spectacles. Impossible de s’installer n’importe où au risque de voir le son s’échapper dans tous les sens. »

Insipide mais pas sans saveur 

Si certains tailleurs de pierre parlent d’une odeur minérale assez difficile à décrire, c’est surtout l’odeur d’humidité qui nous saute aux narines en entrant dans la carrière. Odeur qui s’estompe très largement au fil du parcours.
Côté saveur, inutile évidemment d’essayer de goûter la roche ! En revanche, en sortant de la carrière d’Aubigny, vous pouvez toujours vous diriger vers l’un des restaurants de la région. On nous a laissé entendre que certains établissements de Druyes-les-Belles-Fontaines valaient le détour… 

Une chose est sûre, la carrière d’Aubigny ne laisse personne indifférent. Chacun en gardera un petit goût de jamais vu. D’ailleurs, si vous avez eu la chance de vivre cette expérience, n’hésitez pas à partager vos plus belles photos de ce lieu unique sur nos réseaux avec @lavieenpierre

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