Classée monument historique depuis 1975, récompensée 3 fois au concours de la plus belle gare de France organisé par la SNCF, la gare de Metz Ville ne voit pas défiler que des trains et des voyageurs pressés ! Le bâtiment aux dimensions impressionnantes et aux façades de style néo-roman ornées de sculptures et vitraux fait le bonheur de nombreux curieux et touristes, venus admirer ce joyau architectural. Un palmarès et un charme qu’elle doit en partie à la pierre qui l’habille.
L’article sur la gare de Metz, à destination de lavieenpierre.com va partir. Prenez garde à la fermeture des portes, attention au départ !
350 mètres de long sur 200 mètres de large : l’œuvre de l’architecte berlinois, Jürgen Kröger, est la plus longue gare de France ! La gare de Metz fait en effet partie des trois gares les plus monumentales, aux côtés de celles de Strasbourg et de Colmar, construites pendant l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’empire allemand. Quant à la tour de l’horloge, elle s’érige sur plus de 40 mètres. Une belle hauteur qui ne rattrape certes pas les 67 mètres de celle de la nouvelle gare de Lyon à Paris. Mais la bâtisse mosellane a bien d’autres atouts à son actif.
Ce qui marque lorsque l’on rentre dans cette gare monumentale, ce sont ces nombreuses arabesques végétales et cette galerie animalière mêlée à des personnages contemporains qui ornent les murs. L’expression parfaite du Jugendstil, un style végétal-ornemental allemand du début du 20ème siècle que l’on peut rapprocher du style Art Nouveau français. L’extérieur de style néo-roman s’associe harmonieusement avec ses demi-arcs de cercles parfaits, ses fenêtres, sa façade pure et ses sculptures fantastiques.
Ainsi, dès 1975, le bâtiment voyageur, avec son salon d’honneur, le décor du buffet et son hall de départ, est inscrit au titre des monuments historiques. En 2017, 2018 et 2021 la gare de Metz remporte le titre de plus belle gare de France. Marraine de l’édition 2022, elle n’a pas participé au concours, de quoi laisser une petite chance à ses acolytes de remporter les honneurs.
Bien qu’hors-normes par ses dimensions et son style, l’originalité de la gare de Metz tient également dans la pierre utilisée pour la construire. Bâtie en grès de Niderviller de couleur gris pâle, elle se distingue en effet des bâtiments anciens du centre-ville, réalisés en pierre de Jaumont, une pierre calcaire locale de couleur ocre jaune. En tout, 30 000 tonnes de ce grès auront été nécessaires pour réaliser la bâtisse colossale. De granulation très fine, le grès de Niderviller présente des couleurs très variées : le gris, comme celui de la gare de Metz, au rose, en passant par le vert. Extraite près de Sarrebourg, dans un village des Vosges mosellanes, cette pierre très fine est particulièrement appropriée pour la réalisation d’œuvres d’art. La bâtisse est aussi d’une grande modernité d’un point de vue architectural. En effet, 3 045 pieux en béton armé, plantés discrètement sur 10 à 17 mètres de profondeur, soutiennent l’édifice de 300 mètres de long. L’architecte allemand a ainsi utilisé le procédé que venait tout juste de mettre au point l’ingénieur français François Hennebique.
Mais alors, pourquoi tant de singularité et de démesure pour une simple gare ? La gare de Metz fut construite au début du 20ème siècle à la demande de l’empereur allemand Guillaume II, au moment de la première annexion de l’Alsace-Lorraine (1871-1918). Conçue de manière extrêmement moderne pour son temps, elle a aussi été construite très rapidement. Inaugurée en 1908, la bâtisse aura mis seulement 3 ans à sortir de terre. Et pour cause ! L’empereur allemand veut faire de cette nouvelle gare un rempart contre la France ennemie. En effet, grâce à ses 300 mètres de long, sa dizaine de voies et ses quais à 2 hauteurs, elle est en mesure d’accueillir 750 000 soldats en 24 heures et de voir partir 25 000 soldats et leurs 75 000 chevaux et canons en une seule journée : un avantage militaire certain pour le Reich.
Ainsi, la gare de Metz Ville devient la 3ème gare de Metz. La première, construite provisoirement en bois vers 1850, est une gare terminus édifiée à l’extérieur des remparts de la ville. Elle sera détruite par un incendie en 1872. La deuxième, inaugurée en 1878 et connue aujourd’hui sous le nom de « l’ancienne gare de Metz », était plus grande et plus fonctionnelle. Mais pas assez, on l’aura compris, pour les ambitions de l’empereur allemand.
L’esthétique de la gare illustre également la volonté d’apposer l’empreinte germanique dans la capitale mosellane. Et plus particulièrement celle de Guillaume II. En effet, la gare de Metz est très symbolique du double pouvoir du souverain : le pouvoir religieux avec cette haute tour et l’entrée surmontée de vitraux qui évoquent une façade de cathédrale plus qu’un lieu de halte ; et le pouvoir politique avec cette façade qui évoque un palais impérial et où se situe le Pavillon de l’Empereur. On retrouve d’ailleurs dans l’édifice de nombreux rappels à l’empire fondé par Charlemagne, comme le vitrail de l’Empereur à la Barbe fleurie ou encore celui de l’aigle impérial. Avec cette gare, le Reich cherchait clairement à séduire la population en mettant en avant la puissance industrielle de l’Empire, son importance territoriale et sa modernité.
Au cours du 20ème siècle, les Messins ont d’ailleurs longtemps boudé la bâtisse, à l'esthétique impérialiste ostentatoire. Certains éléments de décoration ont donc été remaniés, l’aigle impérial laissant place au blason de la ville par exemple.
Aujourd’hui encore, la gare de Metz reste tout de même le symbole de cette période d’annexion et des grands travaux d’urbanisation réalisés par les Allemands. Sa conception très fonctionnelle, la rend encore tout à fait pratique et moderne. Traversante pour optimiser les cadences, elle possède aussi des quais bas et des quais surélevés pour faciliter l’embarquement simultané des passagers et des bagages.
Un vrai musée d’histoire et d’art qui se visite gratuitement ! Pas besoin de billet d’entrée ni de billet de train pour l’admirer. Alors autant en profiter.
Photos : ©-French-Moments