Vous avez 40 minutes devant vous ? N’hésitez pas à chausser vos baskets pour parcourir les 4 petits kilomètres qui vous séparent du point culminant de la célèbre Roche de Solutré. Là, à 495 mètres d’altitude, ce site emblématique de la Saône-et-Loire, à 8 km à l’ouest de Mâcon, vous offrira un panorama spectaculaire sur les vignobles du Mâconnais, dévoilant même le Mont-Blanc. Mais gravir la Roche de Solutré, c’est aussi et surtout parcourir une histoire singulière : un phénomène géologique insoupçonné, une occupation humaine qui date de la préhistoire et un matériau emblématique de la région. La Vie en Pierre vous propose une visite guidée de ce site d’exception, de ses origines à nos jours.
La Roche de Solutré est le fruit de millions d’années d’évolution.
Son histoire commence à la fin de l’ère primaire, il y a 360 à 290 millions d’années, avec la formation du socle des monts du Mâconnais. Puis sous l’ère secondaire, il y a 245 à 65 millions d’années, une mer chaude, la Téthys, recouvre la région Bourgogne. C’est la grande époque de la sédimentation marine. Différentes couches calcaires se forment alors, emprisonnant des débris de mollusques, coquillages et animaux marins dont on retrouve encore aujourd’hui de nombreux fossiles. C’est il y a 150 millions d’années, au jurassique moyen, que le relief de la Roche de Solutré se forme enfin et se couvre de coraux. Ces sédiments appelés calcaires à polypiers, très résistants à l’érosion, se retrouvent aujourd’hui au sommet de la roche.
Enfin, à l’ère tertiaire, vers moins 30 millions d’années, le Mâconnais subit le contrecoup du soulèvement des Alpes, les terrains se fracturent et des plateaux s’élèvent vers l’Est. La topographie actuelle témoigne des différentes érosions qui ont suivi.
Toutes ces étapes donnent naissance à la Roche de Solutré telle que nous la connaissons : éperon calcaire jurassique qui donne aujourd’hui au paysage toute son originalité.
En vous rendant à Solutré, faites une halte au musée de la Préhistoire situé au pied de la Roche. L’occasion de mieux appréhender la richesse archéologique du site. Tout commence en 1866 lorsqu’un jeune Mâconnais découvre au cours d’une promenade des silex taillés au pied de la Roche. Les premières fouilles sont alors réalisées. Si des ossements fossiles étaient déjà connus, on les attribuait jusqu’alors par erreur à des vestiges de combats féodaux.
Depuis, de nombreuses campagnes ont pu révéler des traces allant de l’Aurignacien (29 000 ans avant J.-C.) au Magdalénien (12 580 ans avant J.-C.). Le site de Solutré a finalement donné son nom à une culture du paléolithique supérieur, le Solutréen (de 20 000 à 16 000 avant J.-C.) caractérisé par ses feuilles de laurier, chef d’œuvre de la taille du silex. On peut ainsi considérer aujourd’hui le site de Solutré comme l’un des gisements préhistoriques les plus riches d’Europe.
Depuis ces temps préhistoriques, l’homme n’a ensuite cessé d’occuper le site. Dès l’Antiquité, la Roche est fortement marquée par la culture gallo-romaine. C’est à cette époque que les coteaux calcaires sont plantés de vignes. On y vit aussi grâce à la culture des céréales, à la production de bois d’œuvre et de chauffage. Aux endroits stratégiques, on construit des villas, notamment à l’emplacement actuel du village de Solutré et des axes de communication se développent comme l’axe méridien entre Solutré et Vergisson.
Au Moyen-Âge, la Roche continue de représenter une position stratégique. Cette place forte est dominée, sur l’escarpement ouest, par un château dont il n’existe désormais que quelques vestiges, sans doute détruit en 1435 par ordre du duc Philippe le Bon. Celui-ci craignait que ses ennemis viennent s’en emparer et menacent le Mâconnais.
Plus tard, au cours des siècles, l’Homme va modeler ce paysage selon ses besoins : il défriche les forêts, plante puis abandonne des parcelles, laissant finalement le champ libre à la végétation. C’est finalement la culture de la vigne qui va s’imposer à flanc de coteau.
Autour de la Roche, les murs en pierre sèche et tout le bâti en pierre calcaire façonnent le paysage. En effet, au 19e et 20e siècles, l’utilisation agraire des terres a entraîné la construction de tout un patrimoine minéral à partir des éléments présents sur la Roche : les murets de pierre sèche pour protéger certaines parcelles, les cadoles pour servir d’abris, les lavoirs, les fontaines, les bancs, les abreuvoirs, etc. Souvent inutilisés depuis longtemps, ces éléments suscitent à nouveau l’intérêt.
Depuis quelques années, nombreux sont ceux qui se soucient de la préservation de ce patrimoine et qui s’attèlent à la remise en état de ces murets, cadoles ou lavoirs. Quant aux villages alentours, ils ont su conserver leur aspect traditionnel avec des maisons vigneronnes laissant encore une large place à cette pierre calcaire.
Les accès à la Roche ont été aménagés de façon harmonieuse avec ce patrimoine. Murets et sentiers ont eux aussi été édifiés avec de la pierre calcaire locale. Elle provient de la carrière de Saint-Martin-Belleroche (71).
Aujourd’hui, le relief contribue à l’organisation d’une biodiversité exceptionnelle. Les falaises sont laissées à l’état naturel et le dos de la Roche héberge des prairies entretenues par l’Homme ou l’animal. Des prairies et de la forêt occupent quant à elles le versant qui fait face à la Roche alors que la vigne occupe le reste du territoire. Le site se distingue par ses pelouses calcaires ou pelouses calcicoles, à la faune et à la flore particulières : des espèces rares y sont abritées, dont pas moins de 40 espèces protégées. La Roche de Solutré a ainsi été classée Natura 2000.
Grâce à l’influence du relief, de l’exposition et du climat, de nombreuses conditions sont réunies pour que des espèces remarquables prolifèrent à cet endroit. Du côté de la flore, les spécialistes repéreront l’inule des montagnes ou encore des orchidées sauvages. Ce qui fait la particularité du site, c’est qu’on peut y voir des espèces montagnardes cohabiter avec des espèces méditerranéennes. Du côté de la faune, des espèces rares peuvent être repérées comme l’alouette lulu, le hibou petit-duc, le busard Saint-Martin, la mante religieuse ou bien le criquet méditerranéen.
De quoi dégainer votre smartphone à chaque pas de votre ascension pour immortaliser ces différentes merveilles de la nature… et les partager avec @lavieenpierre !