Et si on faisait un bond dans le temps ? Un temps où la Corse était sous l’influence de la République italienne de Gênes. De cette époque comprise entre 1284 à 1729, l’île de Beauté a gardé de fascinants monuments de pierre qui ont façonné son identité : des tours militaires construites le long du littoral. Les désormais célèbres et symboliques « tours génoises » de la Corse sont les témoins silencieux de tout un pan de l’histoire de l’île, souvent méconnu. Entre passé et présent, elles sont une invitation à explorer la Corse hors des sentiers battus et à découvrir ses richesses géologiques.
Construites le long du littoral corse, les tours génoises témoignent de l’histoire mouvementée de la Méditerranée à partir du XVe siècle. Les côtes corses, comme celles espagnoles, italiennes et françaises, subissent au quotidien les assauts de l’Empire ottaman et les populations villageoises sont exécutées ou réduites à l’esclavage. Pour fuir ces attaques, les Corses se réfugient dans les montagnes et demandent à la République de Gênes de les protéger de ces razzias. Elle leur envoie donc dès 1530 2 commissaires extraordinaires : Paolo Battista Calvo et Francesco Doria, chargés d'inspecter toutes les fortifications et les 23 tours du littoral corse. Résultat : 90 nouvelles vigies seront construites, dont 32 au Cap afin de prévenir et défendre de tous les dangers venant de la Méditerranée. À la fin du XVIIIe siècle, la Corse compte donc 120 tours de pierre, symboles forts du système défensif génois en Corse.
La majorité des tours génoises est édifiée sur des promontoires avancés en mer, tout autour de l'île, de sorte que chacune soit toujours visible d’une autre. En cas d’alerte, le message est transmis depuis les terrasses, de tour en tour, via des signaux visuels ou sonores. De quoi faire circuler l’information à travers toute l’île en moins de 2 heures et préparer les villageois à attaquer ou à fuir dans les montagnes.
Si leur disposition n’a pas été laissée au hasard, leur architecture non plus. En effet, leur forme emblématique circulaire leur permet d’éviter les tirs de boulet de canon. Certaines font tout de même exception avec leur forme carrée, comme le fortin de Girolata.
Avec une hauteur de 12 à 17 mètres, et entre 8 à 10 mètres de large, elles se composent toutes de 4 parties :
Pour circuler d’un étage à l’autre, pas d’escaliers ! Les torregiani, les gardiens des tours, utilisent des échelles mobiles et se faufilent par des trappes à travers ce logement fortifié pour veiller jour et nuit et repérer les navires corsaires. Mais les tours ont une autre fonction souvent méconnue : elles servent également de postes de douanes pour contrôler le commerce maritime et percevoir les taxes douanières.
Construites en pierres, les tours génoises sont aussi le reflet de la géologie locale. Ainsi, elles sont édifiées en pierres de schiste dans le Cap Corse. Dans le sud, les tours sont plutôt en granit. D’autres, comme la tour de Cargèse, sont en calcaire. Une variété de pierres qui offre une variété de couleurs aux édifices.
Sur les 120 tours génoises recensées en 1730, il n’en reste plus que 67. À l'exception des forteresses côtières de Bastia, Porto-Vecchio, Bonifacio, Ajaccio, Calvi, Algajola et Saint-Florent, ainsi que les citadelles intérieures de Corte et Sartène, les tours sont les seuls vestiges de l'architecture militaire de l'époque génoise à avoir survécu en Corse. Elles sont aussi les témoins de l’ingéniosité de leurs bâtisseurs qui ont souvent choisi des éperons rocheux en surplomb de panoramas à couper le souffle, comme celle d’Arone.
Fleuron du patrimoine militaire local, plusieurs tours génoises sont d’ailleurs inscrites ou classées aux Monuments historiques, comme les tours de Sagone, d’Omigna, de Negro ou de la Parata.
Même si certaines sont laissées à l’abandon, faute de temps et de moyens pour les entretenir, d’autres ont fait l’objet de restauration. La chaux est parfois envisagée pour sa solidité mais décriée. La tour de Santa Maria della chiappella au nord du Cap Corse a bénéficié d’une réhabilitation plus fidèle à l’histoire. Propriété du Conservatoire du littoral, elle a été consolidée en pierres vertes issues du gisement qui avait servi à sa construction en 1549.
Aujourd’hui plus que jamais, cet héritage minéral et architectural hors du commun mérite d’être préservé pour le transmettre aux générations futures.
Les propriétaires insulaires rénovent de plus en plus de vieilles bâtisses, et même des tours génoises pour en faire des logements. Par souci d’authenticité, ces projets de restauration utilisent les matériaux présents sur l’île. En Corse, plusieurs carrières de pierres sont encore en exploitation pour fournir les chantiers en cours. La lauze grise notamment, aussi appelée teghje, est souvent utilisée pour les monuments historiques et le bâti traditionnel.
Après avoir servi de remparts contre les raids pendant 3 siècles, les tours génoises sont aujourd’hui incontournables pour découvrir l’histoire de l’île. La randonnée est la plus belle manière de les apprécier et de profiter de leurs points de vue exceptionnels. De nombreux sentiers, balisés et aménagés, mènent à ces tours.
Pour votre prochain séjour sur l’île de Beauté, lavieenpierre.com vous indique celles qui méritent le détour :
Fièrement dressées face à la Méditerranée, les tours génoises vous attendent pour vous révéler les secrets de la Corse. Et nous, on attend vos photos : n’hésitez pas à tagguer @lavieenpierre pour qu’on les partage sur nos réseaux !