Construction pour le moins atypique, le Palais idéal du Facteur Cheval a fêté récemment ses 135 ans. Le facteur Cheval, habité par un rêve fou, en a été en 1879 l’architecte, le maître-d ‘œuvre et l’ouvrier.
Cheval était donc facteur à la campagne, alors âgé de 43 ans. 33 kilomètres, c’est la distance qu’il parcourt chaque jour, à pied, pour distribuer le courrier dans la campagne drômoise.
Ça lui laisse du temps pour rêver, et c’est ce qu’il fait, imaginant un univers peuplé de créatures féériques et de magnifiques palais.
Un jour, au cours de sa tournée, il butte sur une pierre et tombe. Se relevant, il ramasse le caillou dont la forme lui évoque ses rêves de palais, et décide de l’emporter. Ce sera la première pierre de son formidable édifice.
Après avoir longuement observé cette pierre biscornue, Cheval décide que « Si la nature peut faire de la sculpture, je peux faire de l’architecture ». Lors de ses tournées suivantes, il emmène une brouette qu’il remplit au fur à mesure avec toutes les pierres qui lui plaisent. Le voisinage le prend pour un fou, mais il commence patiemment à bâtir son palais, sans savoir encore qu’il venait de commencer un chantier de près de 33 ans.
S’inspirant de ses rêves, mais aussi des nombreuses cartes postales qu’il voit durant ses heures de travail, Cheval bâtit un palais impressionnant à l’architecture délirante, peuplé de créatures enchanteresses. Il utilise pour cela les pierres collectées lors de ses tournées, qu’il sculpte, qu’il assemble et qu’il décore à l’aide de ciment, de mortier et de chaux. Après 30 années de labeurs, Cheval achève son palais, et décide, à 77 ans, de se lancer dans un dernier chantier : un tombeau qu’il mettra 8 ans à construire, avant d’y être finalement inhumé en 1924.
C’est en 1930, quelques années après la mort du facteur, que de nombreuses personnalités commencent à s’intéresser au Palais. Picasso, André Breton ou encore Max Ernst saluent l’œuvre, et la communauté artistique y voit un nouveau courant, dont Cheval serait l’unique représentant : l’architecture naïve. Le palais et le tombeau sont donc finalement classés au patrimoine mondial de l’Unesco en tant que monument historique, en 1975… Soit presque un siècle après qu’un petit facteur, quasiment illettré et que tous prenaient pour un fou, ait commencé sa construction.