Si les castors sont considérés comme les rois de la construction de barrages, ce n’est pas d’eux dont nous allons parler aujourd’hui. Nous allons plutôt nous intéresser aux gigantesques barrages réalisés par l’Homme et plus particulièrement aux barrages les plus étonnants de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Dimensions, volumes d’eau retenus, techniques de construction, tout impressionne dans l’édification de ce type d’ouvrages. La Vie en Pierre vous propose donc d’en savoir un peu plus en faisant le tour des barrage de la région.
Avant de partir à la découverte des barrages les plus étonnants de la région, essayons de comprendre le rôle et le fonctionnement de ce type d’ouvrage. Un barrage est un ouvrage d’art édifié en travers d’un cours d’eau et destiné à réguler son débit ou à stocker l’eau pour différents usages : contrôle des crues, hydroélectricité, irrigation, pisciculture, réserve d’eau potable, etc.
Jusqu’au début du 20e siècle, les techniques de construction ne permettent pas la réalisation de retenues de grande capacité. C’est après, avec l’évolution des techniques et des bétons, que l’on envisage des retenues plus conséquentes. Pour un barrage hydroélectrique, la hauteur de l’ouvrage est essentielle : la puissance fournie dépend directement de la hauteur d’eau retenue.
Il existe deux grandes catégories de barrages :
triangulaire, épaissie à sa base et affinée vers le haut. Sa stabilité est assurée par le poids propre du matériau sous l’effet de la poussée de l’eau.
un report des efforts de poussée de l’eau sur les rives rocheuses de la vallée. Il a parfois une double courbure verticale et horizontale.
piliers régulièrement espacés. Son mur amont supporte l’eau retenue. Une série de renforts ou murs triangulaires verticaux appelés contreforts supportent la plateforme et redistribuent la poussée de l’eau vers les fondations.
l’eau est une digue en remblai constituée d’un seul matériau meuble suffisamment imperméable pour assurer à la fois l’étanchéité et la résistance (terre argileuse, roche ou pierre).
types de matériaux assurant séparément les fonctions de stabilité du barrage et d’étanchéité, celle-ci étant obtenue par une paroi en béton de ciment ou en béton bitumineux.
Le barrage de Roselend est situé en plein cœur du Beaufortain sur la commune de Beaufort-sur-Doron à proximité de la station de ski d’Arêches-Beaufort. Géré par l’unité de production Alpes d’EDF, il appartient au complexe hydroélectrique de Roselend La Bâthie qui comprend également les barrages de La Gittaz et de Saint-Guérin et permet de produire l’équivalent de la consommation en énergie domestique de 450 000 habitants. Roselend est à ce jour le plus gros barrage de France en volume de béton. Au total, ce sont 950 000 m3 de béton qui ont été utilisés. Il s’agit d’un barrage à voûte à double courbure et à contreforts. Les dimensions de ce 4e plus haut barrage de France sont impressionnants : une hauteur de 150 mètres, pour une longueur de 804 mètres. Au moment de la mise en eau, Roselend, un petit village d’alpage a été entièrement englouti. Le remplissage d’une telle cuvette a aussi nécessité la construction de plus de 40 km de galeries.
Le saviez-vous ? Le barrage de Roselend est apparu sur grand écran dans le film d’André Téchiné, « L’Homme qu’on aimait trop » en 2014.
Les chiffres à retenir :
Le barrage de Roselend
Ce barrage hydroélectrique de type poids en remblais avec parement en enrochement est situé sur l’Eau d’Olle, entre la chaîne de Belledonne et le massif des Grandes Rousses sur la commune de Vaujany. Le barrage de Grand’Maison avec 1800 MW est le plus puissant de France : 9% de la puissance du parc hydraulique exploité par EDF dans l’Hexagone. Pour réaliser ce chantier, il a fallu arracher et déplacer des millions de tonnes de roches et de terre, mais aussi creuser des dizaines de kilomètres de galeries dans la montagne. C’est un engin spécialement conçu pour cette tâche, Atlas, qui a mis en place les 70 000 tonnes d’acier des canalisations cimentées à la roche. Le noyau vertical du barrage est stabilisé par des enrochements en aval et en amont. Son étanchéité est assurée par des injections de béton. Aujourd’hui, l’ouvrage, l’un des derniers nés des grands barrages en Europe, mesure 550 mètres de long et 140 mètres de haut. Il peut contenir 137 millions de m3 d’eau dont 100 millions provenant de la fonte des neiges.
Le saviez-vous ? L'aménagement de Grand’Maison a une puissance maximale de 1800 MW équivalente à deux réacteurs nucléaires ancienne génération.
Les chiffres à retenir :
Ce barrage hydroélectrique est situé au Col du Mont-Cenis en Maurienne près de la frontière entre la France et l’Italie sur la commune de Lanslebourg. Le chantier s’est déroulé dans des conditions très difficile. Les ouvriers ne disposaient que de 120 à 130 jours par an pour la mise en place des enrochements et des terres. Les mineurs pouvaient débiter jusqu’à 200 000 tonnes de rochers par semaine.
Aujourd’hui, le barrage produit 27 fois la consommation d’une ville comme Chambéry. Et avec une capacité de 315 millions de m3, le barrage de Mont-Cenis est le 6e barrage de France en termes de réserve d’eau artificielle. Ce sont 660 hectares qui représentent l’équivalent de 90 piscines olympiques. Le barrage de Mont-Cenis est l’unique barrage français dont les eaux sont turbinées à la fois en France et en Italie. Les eaux du plateau du Mont-Cenis s’écoulent naturellement vers l’Italie. Le barrage est donc implanté à l’Est de ce plateau. Il est de type barrage-poids puisqu’il oppose sa masse à la pression de l’eau.
Le saviez-vous ? En 1969, la mise en eau a fait disparaître des dizaines de fermes et granges d’alpage, d’anciennes auberges, l’hospice et son prieuré. En compensation, EDF a fait construire un monument dont la forme a inspiré le nom : « la Pyramide ». Conçu par l’architecte Philippe Quinquet, il comprend une chapelle, un appartement et un musée évoquant l’histoire du site.
Les chiffres à retenir :
Le barrage de Mont-Cenis
Dans le Massif Central, le barrage de Grandval est situé sur la Truyère entre les communes de Fridefont et de Lavastrie. Il s’agit d’un barrage à voûtes multiples et contreforts en béton. Au niveau de sa crête, il est long de 376 mètres et large de 3 mètres. Son lac de retenue représente un volume d’eau de 271 millions de m3. Il est dominé par deux châteaux, celui d’Alleuze et celui de Longevialle, et franchi par le majestueux viaduc de Garabit. L’usine accolée au barrage est équipée de deux turbines. Son aménagement est une belle réussite architecturale. La salle des machines, de forme circulaire, dispose d’un toit en coupole soutenu par une « charpente résille » et d’un pont roulant tournant autour d’un point fixe.
En 2003, le barrage a permis d’éviter des crues et des inondations telles que celles de 1977. Cette année-là, les pompiers avaient dû venir en aide à de nombreux habitants de la région dont les maisons s’étaient retrouvées les pieds dans l’eau.
Le saviez-vous ? En 1966, la scène du contrôle de la Feldgendarmerie du film « La Grande Vadrouille » a été tournée sur le barrage de Grandval. L’édifice est aussi apparu dans le film « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot.
Les chiffres à retenir :
Le barrade de Grandval
Le barrage de Ternay, situé au pied du Massif du Pilat en bordure du parc régional naturel du même nom, a été construit entre 1858 et 1867 pour alimenter Annonay en eau potable. Aujourd’hui, il sert également à alimenter les industries du secteur comme les usines Canson. Il est d’ailleurs l’œuvre d’Etienne de Canson qui souhaitait régulariser le débit de la Deûme, préserver la ville d’Annonay des inondations et créer une réserve d’eau potable.
D’une longueur de 161 mètres et d’une largeur de 39 mètres, le barrage de Ternay est un barrage hydraulique qui retient un volume d’eau de 2 millions de de m3 sur une surface de 27 hectares.
En 2018, la Régie municipale d’eau potable a investi 600 000 euros pour moderniser l’ensemble des vannes qui n’avaient pas été remplacées depuis la construction du barrage à la fin du 19e siècle.
Le saviez-vous ? Le site est un formidable lieu de promenade entouré de cèdres du Liban et de Séquoias. Également apprécié des pêcheurs, l’endroit favorise une belle biodiversité de la faune : hérons, grèbes ou encore cormorans.
Les chiffres à retenir :
Le barrage de Puylaurent, de type voûte en béton, est l’un des grands barrages hydroélectriques français et même le plus grand construit à la fin du 20e siècle. Il est situé sur la rivière du Chassezac, un affluent de l’Ardèche. Si l’idée d’implanter un ouvrage à cet endroit remonte aux années 50, ce n’est qu’à partir des années 80 qu’EDF s’intéresse à nouveau au site et envisage un barrage à buts multiples : production hydroélectrique, soutien du débit d’étiage du Chassezac et par conséquent de l’Ardèche, écrêtement des crues, tourisme, irrigation. L’idée est d’assurer un débit minimal en particulier dans la zone karstique où les pertes provoque un assèchement total du cours d’eau durant la période estivale. Il s’agit aussi de constituer une réserve d’eau de 500 000 m3 pour doubler la surface irriguée dans le département de l’Ardèche. La construction a débuté en 1990 et la mise en eau a été réalisée en 1996 pour une inauguration la même année. C’est un chantier qui a mobilisé 200 personnes pour 500 000 heures de travail. Le barrage de Puylaurent est un barrage voûte à simple courbure. Ce sont pas moins de 80 000 m3 de béton qui ont été nécessaires à sa construction. Des cendres, issues du terril de la centrale thermique à charbon d’Albi, ont été intégrées au béton. Cela a permis de le rendre plus résistant, plus compact et plus étanche. L’étanchéité de la fondation a aussi été renforcée par un voile d’injections de ciment.
Le saviez-vous ? Il s’agit du plus grand barrage réalisé en France métropolitaine dans les années 90. Son chantier a mobilisé pas moins de 200 personnes pour environ 500 000 heures de travail.
Les chiffres à retenir :
Cet ouvrage d’art construit sur la Loire se situe entre les communes d’Aurec-sur-Loire et de Saint-Just-Saint-Rambert. Les fondations de ce barrage-voûte en béton sont en granite. Si sa fonction première est hydroélectrique, le barrage de Grangent permet également une régulation du fleuve et un franchissement routier. Le lac de Grangent qui lui est associé est aujourd’hui le lieu de nombreuses activités de plaisance. Il représente une retenue d’eau de 57 millions de m3 pour une superficie de 365 ha. La production annuelle du barrage de Grangent est équivalente à la consommation domestique d’une ville de 50 000 habitants.
Le barrage est composé d’une voûte cylindrique de 55 mètres de haut pour une longueur en crête de 200 mètres et un volume de béton de l’ordre de 68 000 m3.
Pour en savoir plus, une visite guidée du site est possible. Elle vous permettra notamment de découvrir l’histoire du site et le rôle d’un barrage hydroélectrique. Vous cheminerez de l’étage supérieur de la centrale jusqu’au pied du barrage en passant par l’étage de la turbine.
Le saviez-vous ? En 1965, près du barrage de Grangent, un funambule stéphanois surnommé Henry’s, a traversé la vallée sur un câble d’acier. L’exploit avait alors été commenté par un jeune journaliste au tout début de sa longue carrière, Michel Drucker.
Les chiffres à retenir :
Le barrage de Grangent
Les barrages dans le monde
Au 20e siècle, 800 000 barrages ont été construits sur l’ensemble de la planète. 52 000 sont à considérer comme de grands barrages. Il s’agit par exemple du barrage Hoover aux Etats-Unis, du célèbre barrage d’Assouan sur le Nil d’Egypte, ou encore des barrages des Trois-Gorges et de Jinping en Chine.