Qu’ils fassent quelques mètres ou beaucoup plus, qu’ils datent de l’époque romaine, médiévale, de l’après-guerre ou du 21e siècle, les ponts font partie de notre paysage et de notre patrimoine. Dans notre région, il en existe des milliers, avec des matériaux, des techniques de construction et des usages différents… mais avec toujours la pierre en fil rouge. Alors quels sont ceux qui, de par leur histoire, leur légende, leur architecture ou leur technicité, doivent faire absolument partie de vos balades du week-end ? La Vie en Pierre vous présente sa sélection en Auvergne-Rhône-Alpes…
« C’est l’un des premiers ouvrages que l’homme a construit. Le pont servait d’abord à franchir des cours d’eau pour se déplacer en sécurité, puis à communiquer et faire du commerce. Les Romains, via leurs viaducs, ont complété son usage pour inventer le système de transport de l’eau. Et aujourd’hui, on connecte des continents tout en entier ! » Jacques Martin, ingénieur génie civil et professeur en conception de ponts pour de grandes écoles, est un passionné qui estime que ces œuvres de la construction sont un parfait reflet de l’intelligence, de l’ingéniosité et du développement de l’humanité.
En effet, si les premiers ouvrages étaient très limités en portée, les hommes ont ensuite trouvé des solutions. « La connaissance des caractéristiques mécaniques des matériaux, les progrès dans la technologie des moyens de calculs sans oublier le respect des qualités architecturales ont permis de construire toujours plus grand grâce, par exemple, à des étaiements qui permettaient de faire de grandes voûtes. » La pierre, souvent locale, qui était l’élément central a été mixée avec d’autres matériaux ce qui a permis de gagner en portée et en résistance. « Freyssinet a découvert le béton précontraint. Avant lui, c’est le béton armé qui a été inventé par l’ingénieur français, François Hennebique. Les frères Seguin sont eux les premiers à avoir utilisé le métal avec les ponts haubanés ou « ponts à ficelle ». » En Auvergne-Rhône-Alpes, les pierres utilisées pour les ponts étaient de 2 natures, « les calcaires mais aussi les pierres volcaniques, qui étaient très résistantes mais plus difficiles à travailler. Pour construire les voûtes, il fallait des pierres qui supportent de fortes compressions. »
Au 21e siècle, le type de pont le plus utilisé est le pont mixte. « On profite à la fois des performances mécaniques de l’acier tant en traction qu’en compression et de la résistance du béton en compression conduisant à des structures plus légères et très performantes. On peut ainsi franchir de très grandes portées. » Pour imaginer le pont du futur, il faut se tourner vers les matériaux modernes : « On apporte des améliorations au niveau du béton. On arrive à fabriquer des bétons très performants comme le béton fibré qui est renforcé avec des fibres de verre ou plus généralement de métal. Le béton adjuvanté permet d’améliorer la compacité du matériau. » Mais revenons à notre sélection !
Jacques Martin, ingénieur génie civil et professeur en conception de ponts
pour de grandes écoles
Ce pont du 10e siècle, classé aux monuments historiques, enjambe l’Ance en contrebas du bourg médiéval de Chalençon. L’ouvrage se compose de 2 arches d’ouverture. La voie, large de seulement 2 mètres, est pavée de grandes dalles irrégulières en granite. Selon la légende, le pont était régulièrement détruit par les crues de l’Ance. C’est pourquoi au 10e siècle, le seigneur du château aurait signé un pacte avec le Diable pour empêcher de nouveaux dégâts. La première personne passant le pont ferait don de son âme au Diable. Mais alors que le seigneur souhaitant se sacrifier, c’est son chien qui le devança provoquant la colère diabolique. Furieux, ce dernier aurait jeté une énorme pierre au pied du pont. On peut d’ailleurs encore la voir aujourd’hui !
Avec ses 132 mètres de hauteur libre, il s’agit du plus haut pont ferroviaire de l’Hexagone. C’est aussi le pont qui possède les plus hautes piles en maçonnerie traditionnelle au monde. Ces piles monumentales en moellons de granit ont une base plus grande qu’un court de tennis. L’autre particularité de ces piles édifiées en 1901 est qu’elles sont évidées. C’est ce qui a permis leur édification sans avoir recours à des échafaudages puisque les ouvriers pouvaient être acheminés par l’intérieur grâce à un monte-charge !
Le Viaduc des Fades dans le Puy-de-Dôme
On l’appelait autrefois le pont du Rhône. Le pont de la Guillotière est le plus ancien des ponts lyonnais franchissant le fleuve. A l’origine, il s’agissait d’un pont en bois construit au 12e siècle qui avait fini par s’effondrer sous le passage des croisés. Il fut finalement reconstruit en pierre au 14e siècle. Se succédèrent ensuite des siècles de dégâts et de travaux de reconstruction successifs. Au 18e, le pont, avec ses 526 mètres, était 2 fois plus long qu’aujourd’hui. En 1950, alors qu’il venait une nouvelle fois d’être réparé suite aux bombardements de la Libération, le pont fut détruit pour laisser la place à un ouvrage plus moderne et adapté à la circulation automobile. Le pont inauguré en 1958 était plus large et doté d’une structure métallique.
Certainement l’un des ponts les plus charmants de France ! A certaines heures de la journée, l’arche se reflète dans l’Allier pour former un rond parfait. Mais si l’ouvrage du 14e siècle est connu, c’est surtout parce qu’il fut pendant 4 siècles la plus grande voûte du monde. A l’époque, il est constitué de pierres de taille, de grès dur et de brèche volcanique. Comme pour beaucoup de pont, il était nécessaire, aux 17e et 18e siècles, de s’acquitter d’un péage. Reconstruit en 1823 après les nombreuses attaques du temps, le pont hérite alors d’une arche à l’ouverture plus modeste, 45 mètres au lieu des 54 mètres d’origine.
Pont de Vieille Brioude en Haute-Loire
Au cœur du Jardin des Plantes de Grenoble, ce pont est le premier ouvrage au monde en béton coulé. Construit en 1885 par Joseph et Louis Vicat, il présente une grande valeur patrimoniale technique. C’est Louis Vicat qui, le premier, utilisa de la chaux artificielle en opposition à la chaux naturelle et marqua le début de l’ère moderne du ciment : un matériau fiable, rapide à mettre en œuvre et bon marché. En 1855, le béton est coulé sur place et renforcé par des armatures métalliques contraintes. Le pont a fait tout récemment en 2017 l’objet d’une restauration pour consolider les maçonneries et restituer les éléments manquants.
Il est l’un des symboles des dernières techniques de construction de ce type d’ouvrage. Le viaduc de la Sioule, est un pont en poutre-caisson autoroutier, inauguré en 2005. Il permet le passage de l’A89 au-dessus d’un cours d’eau du Puy-de-Dôme, la Sioule. Le tablier est en béton précontraint, un matériau adapté à un environnement humide pouvant connaître des gels sévère en hiver. Il a été réalisé par encorbellements successifs. Les piles d’une hauteur maximum de 135 mètres sont quant à elles constituées de 2 fûts parallèles encastrés dans le tablier. Un ouvrage particulièrement impressionnant par ses dimensions : 990 mètres de long et 19 mètres de large.
Viaduc de la Sioule dans le Puy-de-Dôme
Il est le doyen de cette sélection. Il s’agit d’un petit pont à battants de pierres sèches qui assure, en période de fortes pluies, le passage du ruisseau de Masseloup. En été, la traversée du cours d’eau peut facilement se faire à gué. Ce pont mégalithique est constitué de blocs de grès extraits de son environnement immédiat. Son architecture, très proche de celle des dolmens de la région, laisse penser que l’ouvrage, bien que non daté, est très ancien. Sa structure est très caractéristique : des panneaux monolithiques verticaux reliés à des panneaux horizontaux également en grès. Là aussi, à ne pas manquer si vous vous balader dans cette région…
Aujourd’hui réservé aux piétons, le plus ancien pont suspendu français encore en service était à son origine destiné aux passages de véhicules de toutes sortes. La passerelle enjambe le Rhône pour relier les communes de Tournon-sur-Rhône et Tain-l’Hermitage. Elle est l’œuvre de Marc Seguin qui l’inaugura en 1849. Endommagé à la Libération, remis en état après la guerre, le pont a subi sa dernière restauration en 1989 en respectant les techniques et matériaux anciens. La passerelle, d’une longueur totale de 184 mètres, est suspendue par 8 câbles de fer. La pile et les culées sont en maçonnerie de pierre de taille tandis que le tablier et ses garde-corps sont en bois.
Pont Marc Seguin reliant l'Ardèche à la Drôme
Quand on parle de ponts, le pays détenteur de la majorité des records est la Chine :
- Le plus long du monde mesure 164,8 km et relie les villes de Danyang et Kunshan pour traverser notamment le lac de Yangcheng.
- Le plus haut du monde est le pont du Beipanjiang qui s’élève à 565 mètres, alors que le viaduc de Millau culmine pour le record d’Europe à 343 mètres.
- Le plus long pont suspendu du monde se trouve lui au Japon avec 1 991 mètres.
- Enfin le pont comportant le plus de voies de circulation est aux Etats-Unis. Il s’agit du pont George Washington, qui totalise 14 voies réparties sur 2 étages.