Le plus ancien, le tunnel de Babylone bâti à la demande de la reine Sémiramis, aurait plus de 4000 ans… Les galeries qui servent de voies de communication sont parmi les ouvrages les plus techniques et spectaculaires du savoir-faire humain. D’ailleurs, par sa topographie, la région Auvergne-Rhône-Alpes abrite des réalisations particulièrement intéressantes. C’est parti pour une visite des tunnels les plus emblématiques !
Avant de se lancer dans l’exploration, essayons d’abord de comprendre comment se construit ce type d’ouvrage ! Les tunnels, véritables œuvres d’art dans le sous-sol, nécessitent d’abord la collaboration étroite de l’ingénieur et du géologue. La première étape consiste en effet à creuser la roche. Ce creusement peut s’effectuer par abattage à l’explosif, c’est la méthode la plus répandue, par abattage mécanisé par machines à attaque ponctuelle, ou enfin par les tunneliers, de plus en plus utilisés. Les tunnels peuvent être creusés dans différents types de matériaux depuis l’argile jusqu’aux roches les plus dures. C’est donc la nature du terrain qui détermine la méthode d’excavation.
La deuxième étape majeure est celle du soutènement des tunnels avec le plus souvent du béton projeté, des boulons et des cintres métalliques qui constituent ainsi une coque.
Il est ensuite possible d’appliquer le revêtement définitif pour offrir une marge de sécurité additionnelle à l’ouvrage. Ce revêtement a une fonction mécanique. Il assure aussi l’imperméabilisation du tunnel. Il accroît l’efficacité de la ventilation et de l’illumination. Différents types de revêtements sont utilisés : en béton coffré non armé, en béton coffré armé, en béton projeté, en voussoirs (éléments courbes assemblés par compression pour former le revêtement d’un tunnel) préfabriqués ou encore en voûtes actives.
Ouvert à la circulation en 1965, le tunnel du Mont-Blanc, long de 11,611 km, relie Chamonix-Mont-Blanc en Haute-Savoie à Courmayeur dans la Vallée d’Aoste en Italie en passant sous les plus hautes montagnes d’Europe. Au moment de son inauguration c’était alors le plus long tunnel du monde. Constitué d’une galerie unique à double-sens de circulation, ses dimensions intérieures sont de 4,35 m de haut et 8 m de large.
Sa construction a débuté en 1959 avec les travaux de percement à l’aide d’une perforatrice de 75 tonnes, « Jumbo ». Cette machine permettait de percer 16 trous à la fois pour placer des explosifs. Pour faire sauter 550 000 m3 de roches, ce sont 711 tonnes d’explosifs qui ont été nécessaires. En tout, ce sont même 1 millions de m3 de roche qui ont été extraits. La roche concassée a en partie servi à faire le béton qui a permis de cuirasser le tunnel et de construire la route qui relie l’ouvrage à la nationale. C’est à l’été 1962 que s’est opérée la jonction entre les équipes de forage française et italienne avec un écart d’axe inférieur à 13 cm ! Un exploit fêté par les Italiens et les Français par des embrassades et un échange de drapeaux.
Expression d’un savoir-faire unique, le tunnel du Mont-Blanc fut aussi le lieu d’un dramatique accident. Le 24 mars 1999, un camion prend feu dans le tunnel déclenchant un terrible incendie. Malgré l’alerte donnée peu de temps après, la fumée progresse extrêmement vite intoxiquant les personnes sorties de leur véhicule pour rejoindre un abri de secours. Les premiers pompiers arrivent une vingtaine de minutes après l’explosion. La fumée finit par bloquer tout le tunnel. Le drame fait finalement 39 morts et le tunnel est fermé pour 3 ans. Il rouvre en 2002 après de longs travaux de réfection de la voûte et de renforcement de la sécurité.
Aujourd’hui, le tunnel du Mont-Blanc est emprunté par une moyenne de 5300 véhicules par jour. Ce sont même 8000 familles qui traversent l’ouvrage les samedis de juillet et d’août. Il représente donc un axe touristique majeur pour les vallées de Chamonix et d’Aoste. Il est également un axe routier très important pour l’ensemble des entreprises locales. Il est désormais considéré comme une référence mondiale en matière de sécurité et un symbole du franchissement des limites dressées par la nature.
Il faut même dire les tunnels du Lioran ! Le premier tunnel du Lioran situé dans les monts du Cantal en Auvergne permettait de relier l’est et l’ouest du département. À l’époque de sa construction, entre 1839 et 1843, les tunnels routiers étaient rares et il constituait l’un des premiers grands ouvrages de ce type. On conçoit alors un tunnel de plus de 1400 mètres de longueur traversant le Puy de Masseboeuf. Ce sont des centaines d’ouvriers qui arrivent de toute la France et même de toute l’Europe. Le creusement dure 4 ans. Il est effectué à la force des bras à l’aide de simples pioches. Ce sont aussi 80 000 coups de mines qui sont tirés pour extraire 60 000 m3 de blocs. Le tunnel fait alors 5,30 m de large et 6,50 m de haut en son centre. À l’époque, il s’agit du plus long et du plus haut tunnel du monde. Grâce à cet ouvrage, les voyageurs gagnaient un temps considérable et pouvaient franchir les monts du Cantal même en plein hiver. Avec l’arrivée du chemin de fer, c’est un tunnel ferroviaire qui fut aussi construit mais le premier conserva toute de même toute son importance. Il resta notamment célèbre pour son rôle dans la bataille du Lioran à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les maquisards l’avaient choisi pour se mettre en embuscade et bloquer la garnison allemande d’Aurillac qui cherchait à se replier.
Jugé trop dangereux et devenu trop étroit pour une circulation qui ne cessait de se densifier, il est finalement décidé au début du 21e siècle de le remplacer par un deuxième tunnel routier. Tout de même resté en service jusqu’à l’inauguration du nouveau tunnel en 2007, il restait à l’époque le plus ancien tunnel routier de plus de 1000 mètres encore en service en France. Le 2e tunnel routier doit, lui aussi, permettre de relier l’est et l’ouest du département du Cantal. Les travaux démarrent dès 2004 avec en ligne de mire des dimensions plus ambitieuses que celles du premier tunnel : 1515 mètres de long, 9 mètres de large et 4,55 mètres de haut. On oublie les pioches puisque ce nouveau tunnel est creusé à l’aide de 300 m3 d’explosifs. Ce sont près de 200 000 m3 de déblais qui sont évacués et 30 000 m3 de béton qui sont coulés pour réaliser le chantier. Le soutènement est constitué d’un béton armé réalisé par projection sur la paroi et d’un ancrage dans le béton plus ou moins dense en fonction de la nature de la roche. Quant au revêtement, il est réalisé en béton et son épaisseur varie de 40 cm au niveau de la clé de voûte à 65 cm au pied des murs.
La circulation est autorisée à partir de novembre 2007. Ce nouveau tunnel est particulièrement bien doté en équipements de sécurité. Il est relié à l’ancien tunnel par quatre galeries permettant une évacuation d’urgence des automobilistes en cas d’accident. Et aujourd’hui, ce sont environ 5000 véhicules qui traversent chaque jour le tunnel du Lioran.
Le tunnel qui relie les communes de Joux dans le Rhône et de Violay dans la Loire a été mis en service en janvier 2013. Avec une longueur de 3900 mètres, ce tunnel traversé par l’autoroute A89 est le 8e plus long de France. Il est composé de 2 tubes de deux voies chacun. En venant de Lyon, c’est le 3e tunnel rencontré par les usagers après le tunnel de Chalosset et celui de la Bussière.
Il aura fallu 2 ans de travaux pour construire ce tunnel situé à 660 m d’altitude. Les travaux de creusement ont été réalisés à l’explosif pour excaver différents types de roches : des roches d’origine sédimentaires, des roches cristallines d’origine volcano-sédimentaire et quelques intrusions granitiques. Ce sont pas moins de 450 personnes qui ont été impliquées sur ce chantier gigantesque qui aura notamment nécessité 280 000 m3 de béton pour les étapes de soutènement et de revêtement.
Le tunnel de Violay est l’un des ouvrages majeurs de l’autoroute A89 entre Balbigny et la Tour de Salvagny, dernier tronçon de cette autoroute reliant Lyon à Bordeaux.
47 000 véhicules 400 piétons et 1000 vélos par jour, ce sont les chiffres impressionnants de fréquentation du tunnel de la Croix-Rousse. Encore une fois, il faut même parler des tunnels de la Croix-Rousse. Le premier est un tunnel routier ouvert à la circulation en 1952. L’autre destiné aux modes doux a été mis en service en décembre 2013. Les deux ouvrages suivent le tracé de la RN 6 en traversant la colline de la Croix-Rousse pour relier les quais du bord du Rhône à ceux des bords de la Saône.
Le premier est un tunnel 2x2 voies qui mesure 1757 mètres de long pour un diamètre de 14 mètres. Le premier projet de tunnel sous les 1er et 4e arrondissements de Lyon date de 1845 mais celui-ci ne voit finalement pas le jour. Le projet du tunnel qui nous intéresse n’est lancé qu’en 1939, près d’un siècle plus tard. À l’époque, il s’agit de répondre à un besoin important de la ville de Lyon : désengorger un secteur où se rejoignent, pas moins, de 12 routes nationales, celui des Terreaux et de la Place Bellecour.
Pour creuser ce tunnel situé à 80 mètres de profondeur sous le tunnel de la Croix-Rousse, on utilise 125 000 kg d’explosifs et on mobilise plus de 300 ouvriers entre 1940 et 1948. Pour la construction, les besoins en matériaux sont considérables : 15 000 m3 de bois ou encore 15 000 tonnes de ciment. Et 400 000 m3 de déblais sont évacués. Une partie sert à empierrer l’avenue Jean Mermoz et le port Édouard Herriot. Au départ la chaussée 2x2 voies n’a pas de véritable séparation centrale. Ce n’est qu’en 1999 qu’est construit un muret et que la circulation aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes est interdite. Une exception est faite pour les bus de la ligne C6 !
En 2009, on lance les grands travaux : réhabilitation du premier tunnel et construction d’un second tube. Ce second tunnel est réservé aux modes doux de 1763 mètres de long pour un diamètre de 10 mètres. Cet ouvrage et les galeries le reliant au tunnel existant sont creusés à l’aide de 535 tirs d’explosifs. On met ensuite en place une membrane étanche ainsi que le coffrage de la voûte définitive en béton au moyen de coffrages roulants. Des travaux qui ont nécessité environ 40 000 m3 de béton. Le premier tube est également rénové. Chaussée, assainissement, signalisation, tout est refait à neuf. Les conditions de sécurité sont mises aux normes en vigueur. Les galeries de secours permettant d’accéder au nouveau tube permettront l’évacuation des usagers en cas de sinistre.
Le nouveau tunnel possède trois voies de circulation : une voie centrale pour les piétons, une voie pour les bus et une voie pour les cyclistes. Réservé au mode doux, le bien-être des usagers est permis par une mise en lumière et une ambiance musicale adaptée. Les parois du tube servent même d’écrans de projection pour des œuvres numériques, fixes ou mobiles. La traversée du tunnel de la Croix-Rousse à pied devient une promenade culturelle et ludique.
Le tunnel du Fréjus est le 9e plus long tunnel routier du monde : 12 895 mètres. Cet ouvrage transfrontalier alpin relie Modane en Savoie à Bardonnèche dans le Piémont italien. Mis en service en 1980 après 6 ans de travaux, le coût de sa construction s’élève à l’époque à deux milliards de francs. Au début des années 2000, après l’accident du tunnel du Mont-Blanc en 1999, la sécurité du tunnel du Fréjus a elle aussi été renforcée. Malgré cela, en 2005, un incendie tue cette fois deux camionneurs slovaques et l’ouvrage se retrouve fermé pendant plusieurs semaines. En 2007, on décide finalement le doublement du tunnel. Un second tube parallèle au premier est réalisé pour un coût de 550 millions d’euros. Depuis 2019, la sécurité est ainsi améliorée et le flux des véhicules est désormais séparé.
Alors que le premier tube avait été réalisé en méthode conventionnelle à l’explosif, le second tube a lui été percé à l’aide d’un tunnelier roche dure, le tunnelier « Anne », d’une longueur de 170 mètres. L’engin avançait au rythme de 400 mètres par mois. Là encore, il a fallu excaver des types de roches très différents : anhydrites, schistes verts, calschistes… Au total, ce sont pas moins de 1,2 millions de m3 de marins qui ont été extraits de la galerie. La moitié a été stockée dans une ancienne carrière. Conçue d’abord comme une galerie de sécurité à la suite du drame du Mont-Blanc, le nouveau tunnel est finalement devenu un tube routier réservé à la circulation des véhicules légers et des poids lourds dans le sens Italie-France. Le tunnel originel est quant à lui réservé à la circulation dans le sens France-Italie.
Spécificité du tunnel du Fréjus : l’implantation côté français d’un laboratoire de recherche. Installé depuis 1982, ce laboratoire du CNRS, (Centre national de la recherche scientifique) de l’UGA (Université Grenoble Alpes) et du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) permet de réaliser, à l’abri du rayonnement cosmique parasite, des mesures de très basse radioactivité pour la recherche scientifique ou l’industrie. Il est aussi le lieu d’expériences consacrées à la recherche de preuves de l’existence de la matière noire ou aux propriétés spécifiques de particules élémentaires.