La Grotte Chauvet, Ardèche (07) : les secrets de la préhistoire au cœur de la pierre

La Grotte Chauvet, Ardèche (07) : les secrets de la préhistoire au cœur de la pierre

La Grotte Chauvet, découverte en 1994, recèle les plus anciens témoignages de l’art dans l’Humanité. Dans ce site préhistorique de l’Ardèche méridionale, il y a 36 000 ans, nos ancêtres ont laissé sur les parois calcaires des centaines d’œuvres, dessins et peintures, témoignant de leurs croyances, de leurs mentalités et surtout de leur créativité. Si le site est aujourd’hui interdit au public pour assurer sa préservation, une réplique à l’identique a elle été conçue pour rendre accessible au plus grand nombre tous ces trésors du passé. La Vie en Pierre vous emmène en expédition sur les traces des hommes de la Préhistoire…

 

La Grotte Chauvet, initialement appelée « grotte ornée de la Combe d’Arc » se situe sur la commune ardéchoise de Vallon-Pont d’Arc. La longueur de la grotte est d’environ 500 mètres. On sait qu’elle fut occupée par les hommes de la Préhistoire à deux périodes : celle de l’Aurignacien vers - 37 000 à - 33 500 ans et celle du Gravettien vers - 31 000 à - 28 000 ans. La Combe d’Arc ou cirque d’Estre qui abrite la grotte se situe à près de 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, sous terre, sur un plateau calcaire. A l’époque paléolithique, l’Ardèche s’écoulait sur les plateaux calcaires et dessinait de nombreux méandres. Ceux-ci, au cours de l’encaissement de la rivière, se sont inscrits dans le massif calcaire. La Grotte Chauvet a été classée Patrimoine de l’Unesco en 2014. Son caractère exceptionnel tient en effet au millier de peintures et de gravures qui ornent ses parois parmi lesquelles de nombreuses représentations d’animaux. La grotte avait été « définitivement » obstruée il y a au moins 21 500 ans après de multiples effondrements depuis 29 000 ans. Une masse rocheuse de 4500 m3 avait ainsi été formée au pied du rocher d’Abraham qui surplombe l’entrée préhistorique.

Mais cela n’a évidemment pas empêché la découverte du site en 1994…

 

Récit d’une découverte inespérée

 

C’est le 18 décembre 1994 précisément que Jean-Marie Chauvet, chargé par le Ministère de la Culture de la surveillance des grottes ornées en Ardèche, Éliette Brunel, viticultrice, et Christian Hillaire employé EDF ont découvert ce site exceptionnel dans le cadre d’une sortie d’ordre privé de spéléologie. Ce jour-là, tout s’est joué en quelques heures. C’est d’abord en empruntant un ancien chemin muletier qu’ils ont repéré en haut d’une falaise au nord du cirque d’Estre une mince ouverture derrière une importante végétation. Ils se sont alors faufilés et ont progressé dans un vestibule de plusieurs mètres avant de déboucher sur ce qu’on appelle un « trou souffleur », un filet d’air s’échappant de la paroi. Ils ont alors compris que la première cavité communiquait avec une autre galerie. Deux tirs d’explosifs leur ont permis de dégager l’entrée. Équipés d’une échelle, ils ont ainsi pu descendre et découvrir les premières salles ornées. Un moment d’émerveillement inoubliables pour les trois spéléologues.

 

Aux origines de l’art : un trésor inestimé

 

Pénétrer dans ce lieu, c’est un peu comme découvrir un trésor extrêmement précieux. Dans la grotte Chauvet, les peintures et les gravures réalisées pendant l’époque de l’Aurignacien sont en effet parmi les plus anciennes du monde. Ces œuvres datant de l’Aurignacien sont étonnantes par la diversité et la maîtrise des techniques utilisées par leurs auteurs : gravure, raclage des parois calcaires, dessin au doigt ou au fusain, couleurs écrasées avec les doigts pour créer diverses nuances, détourage des contours…etc. Sur les 9 salles de la grotte Chauvet, 4 sont ornées sous des hauteurs de plafond qui atteignent entre 15 et 30 mètres. A l’entrée de la cavité, les peintures sont réalisées avec des pigments minéraux d’ocre rouge. Dans les salles plus humides, au fond de la grotte, les dessins sont faits à partir de pigments charbonneux. Les thèmes animaliers sont, comme souvent dans l’art paléolithique, les plus abordés. Sur les 447 représentations animales, plus de 300 ont pu être identifiées. Sur 14 espèces différentes, on retrouve plus fréquemment sur les parois calcaires de la grotte Chauvet des félins, des mammouths et des rhinocéros laineux. Enfin, une composition particulièrement étonnante orne un pendant rocheux de la salle du fond. Il s’agit d’un couple mi-humain, mi-animal que l’on surnomme « Le Sorcier et la Vénus ». Au-delà de toutes ces œuvres, de nombreux vestiges archéologiques ont été découverts comme des ossements, des silex ou encore des traces de foyers.

 

Le paysage à l’époque de hommes de la Préhistoire

 

A l’époque des Aurignaciens, le paysage qu’ils avaient à voir était assez semblable au paysage actuel hormis évidemment la végétation et le climat. Il y a 36 000 ans, les Hommes vivaient sous une période glaciaire au milieu d’une mélange de steppes et de toundras. Les grandes lignes du relief, elles, existaient déjà : de vastes étendues calcaires profondément entaillées en gorges par l’Ardèche, la Combe d’Arc ou l’arche naturelle du Pont d’Arc. Autant d’éléments qui sont encore l’expression d’une lente érosion depuis 6 millions d’années. Les plateaux se sont aplanis, le tracé de l’Ardèche s’est formé, la vallée s’est creusée en gorges. Si les hommes du paléolithique pouvaient observer un paysage assez proche du nôtre, il existe tout de même aujourd’hui une différence majeure : l’entrée préhistorique de la grotte n’existe plus. Son positionnement stratégique, en balcon au-dessus de la Combe d’Arc, en faisait un lien entre la vallée et le plateau.  Le porche se trouvait en effet sur un passage naturel emprunté par les Hommes et les animaux, un passage correspondant à un banc rocheux particulier au sein des assises calcaires. En Ardèche, la majorité des sites paléolithiques se limitent ainsi aux zones calcaires en liaison avec la présence de cavités karstiques.

 

Préservation du site et recherche scientifique

 

Dès janvier 1995, quelques jours seulement après la découverte du site, un rapport d’expertise préconise de ne pas ouvrir la grotte au public. L’objectif est d’éviter les erreurs commises avec la grotte de Lascaux où de nombreuses peintures avaient été détériorées en raison d’une présence humaine trop importante. Une première porte protégeant l’entrée de la grotte Chauvet est donc posée dès le 12 janvier, 6 jours avant de rendre publique la découverte du site. Finalement, le nombre de visiteurs ne dépasse jamais une centaine de personnes par an. Il s’agit évidemment de scientifiques participant à des missions de terrain pluridisciplinaires. Ces missions ont lieu deux fois par an avec une trentaine de chercheurs : paléontologues, pariétalistes, archéozoologues, géomorphologues, etc. Leurs visites sont alors limitées à 2h par jour et doivent se dérouler dans des conditions bien particulières. Pour éviter toute contamination du site, les scientifiques doivent s’équiper d’un baudrier, d’une lampe frontale mais aussi de combinaisons et de chaussures qui n’ont pas été au contact de l’extérieur. Ils doivent aussi se déplacer sur des passerelles par petits groupes de 5, toujours encadrés par des agents de la conservation du Ministère de la Culture. La Grotte Chauvet est ainsi devenue une référence en matière de conservation et de gestion des grottes ornées.

 

« Chauvet 2 » : la Préhistoire accessible à tous

 


La Grotte Chauvet 2 

Heureusement, le grand public n’a pas besoin de prendre autant de précautions pour visiter « Chauvet 2 ». Cette réplique de la cavité, inaugurée en avril 2015, permet au plus grand nombre de découvrir les merveilles de la grotte Chauvet. C’est une véritable expérience, un voyage dans la Préhistoire qui est proposé aux visiteurs à travers les différents espaces.

 

  • Une réplique à l’identique

Lorsque le visiteur pénètre dans cette réplique de la Grotte Chauvet, il est confronté à la même magie que dans la grotte originelle. Il progresse à travers un parcours qui s’effectue sur une passerelle ponctuée par 10 stations d’arrêt et d’observation. Il peut alors admirer toutes les beautés qui l’entourent : stalagmites et stalactites, animaux tracés par nos lointains ancêtres. Pendant une heure, le visiteur découvre les 27 panneaux de la grotte. Il termine avec la grande fresque des lions, un panneau monumental de 12 mètres de long présentant pas moins de 92 animaux en mouvement. La fraîcheur et l’humidité de la grotte sont aussi bien présentes comme l’ensemble de l’univers sonore et olfactif de la grotte Chauvet. Avec Chauvet 2, on a droit à une immersion totale, on a l’impression de marcher dans les pas des premiers découvreurs de la grotte. Il s’agit aujourd’hui de la plus grande réplique de grotte ornée jamais réalisée. C’est à partir du relevé numérique 3D de la cavité originale que cette nouvelle grotte de 3000 m² au sol et 8200 m² de surfaces développées, sols, parois et plafonds, a pu être créée. Couleurs, dimensions, textures, tout y est.

 

  • La Galerie de l’Aurignacien

Après l’émotion, place à l’explication dans la Galerie de l’Aurignacien.  Dans cet espace, une scénographie interactive et ludique permet aux petits comme aux grands de mieux comprendre la culture des Hommes de la Préhistoire, leurs techniques, leur environnement. Trois grands thèmes sont développés dans cet espace de 800 m² : qui étaient nos ancêtres préhistoriques ? Quel était le visage de l’Ardèche à cette période ? Qu’est-ce que l’art pariétal ?


La Grotte Chauvet 2  ©Denis Poucher

Depuis son ouverture, la réplique de la grotte Chauvet a déjà attiré plus de 2 millions de visiteurs.

 


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