En pleine Drôme provençale, le château de Grignan, perché sur son promontoire rocheux, offre une vue imprenable sur le Mont Ventoux. Au sud-est de Montélimar, l’ancienne forteresse devenue prestigieuse demeure de plaisance garde les traces discrètes de son histoire mouvementée. Détruit et reconstruit plusieurs fois, les pierres du château de Grignan, rendu célèbre par la Marquise de Sévigné, offrent aujourd’hui de précieux témoignages de toutes les époques traversées depuis son édification au 11e siècle.
Au cœur de la magnifique Drôme provençale, le château de Grignan domine à la fois plaines et montagnes. A la frontière entre le nord et ses bois de chênes et de pins, et le sud dominé par la lavande et la vigne, l’édifice couronne un promontoire rocheux de 33 mètres. Pour y accéder depuis le charmant village de Grignan, il faut passer par de petites ruelles escarpées. Vous longerez alors le beffroi du 14e siècle et de très jolies maisons Renaissance. Un fois en haut, s’offrira à vous un panorama grandiose : montagne de la Lance, Mont Ventoux et Dentelles de Montmirail. Posté sur les terrasses du château, vous pourrez contempler toutes les splendeurs du nord de la Provence.
Le château de Grignan a connu une histoire pour le moins mouvementée. Depuis sa 1ère édification au 11e siècle et jusqu’à aujourd’hui, on peut dire que c’est une sorte de phénix qui a su plusieurs fois renaître de ses cendres. C’est ainsi grâce à la pierre locale que le château de Grignan a pu être édifié et maintes fois reconstruit.
Le site où se trouve actuellement le château de Grignan fut d’abord un domaine agricole des Gallo-Romains devenu par la suite une dépendance de l’évêque de Die. A Grignan, l’existence d’un château fort est mentionnée dès le 11e siècle. A cette époque troublée par des invasions, des promontoires rocheux étaient construits pour y guetter les envahisseurs. L’abondance d’une pierre locale adaptée à la construction représente déjà à l’époque un intérêt majeur. Et c’est d’abord une simple tour qui prend la place du lieu de refuge public qu’était l’oppidum antique. Le premier propriétaire des lieux est Rostaing de Grignan. C’est la châtellenie de Grignan qui mène ensuite les premiers aménagements défensifs : un ensemble castral composé d’une enceinte en mollasse extraite du site, de deux tours et de la Chapelle Saint-Romain. C’est alors la présence du château qui va permettre le regroupement des habitations tout autour.
Le Château de Grignan
Dès le 12e siècle, c’est la famille des Adhémar, captant progressivement la seigneurie, qui complète la construction de ce château fort, toujours avec la pierre de la région, en organisant les différentes fonctions du lieu : défensives, résidentielles et domestiques. Tout au long du Moyen-Âge, l’histoire de la famille Adhémar, omniprésente dans la région, est étroitement liée au château de Grignan. Autour du château, le village s’agrandit et nécessite alors une modification de l’enceinte vers le nord. A la fin du 13e siècle, la seigneurie devient une baronnie. Au 14e siècle, la défense des portes est également renforcée.
A la Renaissance, les temps sont plus sûrs et le château est transformé par la famille des Adhémar en une prestigieuse demeure de plaisance. Les nuances de la pierre extraite dans les environs jouent alors tout leur rôle esthétique. Au 15e siècle, on abat les crénelages du donjon pour que la place forte devienne château d’apparat. Gaucher Adhémar adapte l’ancien château aux nouveaux usages avec un doublement du corps de logis et la construction de la galerie d’apparat. Il remanie les façades de l’ancienne forteresse du Moyen-Âge. Au 16e siècle, le château connaît alors son apogée, son propriétaire Louis Adhémar recevant même le roi François Ier. Louis Adhémar restructure la façade dans un style Renaissance et construit la Collégiale Saint-Sauveur. C’est au milieu du 16e siècle qu’est construite la terrasse du château au-dessus de la Collégiale. A la mort de Louis Adhémar, le bien revient à la famille de Castellane. François de Castellane, représentant de Louis XIV et général de Provence, épouse en 1669 Françoise Marguerite, fille de la marquise de Sévigné. Au 17e siècle, c’est elle qui fera la renommée du château. Y ayant séjourné à plusieurs reprises pour rendre visite à sa fille, elle le mentionne en effet régulièrement dans ces lettres devenues célèbres. Le comte de Grignan crée de grands appartements avec l’aile des Prélats. Mais à la mort de François de Grignan en 1714, la famille est en faillite et le château commence à passer de main en main jusqu’à la Révolution française.
Le Château de Grignan
Lorsque la Révolution éclate, son propriétaire, le baron de Saint-Mesmes est dénoncé comme émigré. On ordonne la démolition du château comme l’un de ces « monuments qui insultent l’égalité en rappelant ces temps de servitude, de féodalité et de superstition ». Le mobilier et les œuvres d’art du château sont alors pillés ou vendus. En 1794, les toitures sont éventrées et la façade sud partiellement détruite. Les amateurs de la Marquise de Sévigné, qui s’y rendent en pèlerinage, ne retrouvent plus qu’un château en ruine. Le site restera ainsi à l’abandon quasiment jusqu’à la moitié du 19e siècle. Les pierres éparpillées sont celles d’un véritable château de cartes.
En 1838, un citoyen fortuné de Grignan, Léopold Faure fait l’acquisition des lieux et tente de les remettre en état. Il consolide les murs et la toiture, rachète quelques éléments de mobilier qui avaient été dispersés. Hélas, à sa mort, un célèbre dandy, Boniface de Castellane lui succède mais avec des intentions bien différentes. Ruiné suite à son divorce avec la richissime Anna Gould, il dilapide à nouveau le patrimoine du château de Grignan qui avait été reconstitué.
Le Château de Grignan
Il faut finalement attendre le début du 20e siècle pour que le château soit ressuscité et retrouve toute sa splendeur. C’est une certaine Marie Fontaine, la riche veuve d’un commissaire de marine, qui fait l’acquisition du château en 1912 et qui entame un ambitieux chantier de rénovation et même de reconstruction dans un grand souci historique. Et là encore, sans hésitation, c’est la pierre de Grignan qui est utilisée pour redonner vie au site. Marie Fontaine fait appel aux meilleurs conseillers, artisans et artistes du moment. L’idée est celle d’une restauration la plus authentique possible. C’est grâce à cette initiative que l’on peut encore admirer aujourd’hui le faste du château de Grignan. Il est devenu le magnifique témoignage de l’architecture Renaissance et du classicisme à la française. Depuis 1979, il appartient au département de la Drôme qui poursuit au fil des ans un ambitieux programme de restaurations. La façade François 1er a par exemple été restaurée en 2009 et 2010. A partir de 2016, les travaux ont consisté à redonner de l’éclat aux différentes façades en commençant par celles de la cour du Puits. Le programme privilégie en tout cas toujours l’esprit Renaissance et l’époque classique en mémoire de l’époque de Madame de Sévigné. Depuis 1993, le château de Grignan a été classé Monument historique.
La pierre locale a largement contribué à l’édification et aux multiples reconstructions du château de Grignan. La région disposait en effet de ses carrières de pierre de taille, dans le Rouvergue, un territoire situé entre Grignan et Chantemerle-lès-Grignan. Ce sont des carrières de calcaire à ciel ouvert au milieu des chênes et des buis marquées d’une présence humaine plus que millénaire. Ce sont ces carrières du Rouvergue qui ont fourni la pierre de construction du château de Grignan. Ce plateau de mollasse est composé de grès quartzeux alternant avec des sables rouges ou des grès friables verts. Et on retrouve cette pierre locale sur les nombreux murets de pierre sèche en mollasse calcaire qui parsème le territoire. Une mollasse calcaire utilisée en pierre de taille pour l’édification du château. Cette pierre, de qualité hétérogène, a également servi dans l’ornementation et dans la cheminée.
Après la Révolution française, alors que le château n’est plus qu’une ruine, le lieu devient à son tour une carrière pour la construction des maisons du village et des alentours.
Si vous êtes de passage en Drôme provençale, ne manquez pas la visite du château de Grignan. Vous découvrirez alors, en plus d’une architecture hors-du-commun, un musée d’une très grande richesse composé d’œuvres d’art, de curiosités et de témoignages émouvants. Labellisé « Musée de France » en 2002, ses appartements et salles de réception répartis sur trois étages abritent de nombreux objets d’art et peintures du 16e au 20e siècle. Vous aurez aussi la chance de lire une des lettres de la Marquise de Sévigné envoyée à sa fille. Enfin, ne ratez pas les tapisseries d’Aubusson intitulées « L’Histoire d’Ariane ».
Les tapisseries d’Aubusson
Aujourd’hui, le château de Grignan est aussi devenu un magnifique lieu de festivités. De grandes fêtes nocturnes sont en effet organisées tous les étés dans la cour d’honneur du château pour le plus grand plaisir des touristes et des habitants de la région. A cette occasion, le château fait revivre l’époque de la Renaissance. Au milieu de ces pierres chargées d’histoire, vous pourrez assister à des spectacles de musique, de théâtre et de danse inoubliables.
Chaque année, ce sont 150 000 visiteurs qui viennent contempler la vue dont pouvait jouir la Marquise de Sévigné il y a plus de 300 ans.
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