Elle est partout ! Pierre précieuse, angulaire, ponce ou à aiguiser, c’est une matière qui a plus d’un tour dans son sac. Au point de s’inviter à votre table. Y compris en soupe ? Vous ne croyez pas si bien dire ! Pierre, cailloux ou béton, ils se retrouvent bien plus souvent qu’on ne le croit associés à notre alimentation. Car, par le passé et encore aujourd’hui, la roche joue un rôle essentiel dans l’élevage, l’élaboration ou la conservation de ce que l’on peut déguster. La Vie en Pierre fait pour vous le tour de France du garde-manger…
Notre voyage culinaire débute en Normandie, à Orbec. C’est dans cette commune du Calvados, qu’une champignonnière a été installée dans les anciennes carrières souterraines de pierres calcaires exploitées depuis le Moyen-Âge et jusqu’au 19ème siècle. Elles ont été déblayées vers 1920 pour permettre la culture du champignon à partir de 1930 et pendant une dizaine d’années. Pendant la guerre, la champignonnière a servi de refuge permettant de sauver des centaines de vies. Interrompue pendant cette période, la culture des champignons n’a finalement repris que dans les années 1980 sur 6 500 m² de galeries. La production est d’une dizaine de tonnes par mois.
D’ailleurs, jusqu’au milieu du 20ème siècle, la majorité des champignonnières étaient installées dans d’anciennes carrières souterraines comme celle d’Orbec. Les maraîchers qui y stockaient leurs légumes avaient bien compris l’intérêt des propriétés naturelles de ces sites : humidité élevée et températures fraîches et constantes. A la fin du 19ème siècle, on comptait plus de 250 producteurs en région parisienne. En France, une grande partie de ces carrières a disparu dans les années 1970-1990 en raison de la concurrence internationale.
Dans le Cantal, dans les années 1960, là ce sont des tunnels ferroviaires désaffectés qui ont été reconvertis en caves à fromage. Plusieurs fromageries continuent d’ailleurs toujours à y affiner leur production. On peut dire que patrimoine et gastronomie font ici très bon ménage. Au départ, c’est un affineur qui a souhaité faire une expérience dans un tunnel de pierre de la ligne Saint-Flour-Brioude. Et comme celle-ci s’est révélée concluante, l’affinage s’est poursuivi dans ces lieux insolites. Aujourd’hui, dans le département, deux tunnels sont ainsi encore exploités. Le Cantal est laissé deux à quatre mois au repos dans ces tunnels. En tout, ce sont plusieurs milliers de fromages qui sont alignés sur plusieurs centaines de mètres. Dans ces ouvrages en pierre, la température est constante, environ 10°C, tout comme la teneur en humidité : des conditions idéales pour le développement de la flore à la surface du fromage. La garantie d’un produit de qualité !
Conserver pour faire vieillir et sublimer les saveurs, mais aussi tout simplement pour préserver ses réserves de nourriture… Voici le défi que les hommes ont sans cesse relevé à travers les âges… Bien avant l’invention de notre frigidaire ! Par exemple, en Auvergne, les burons, ces habitats qui abritaient hommes et bêtes en montagne sont des constructions emblématiques, notamment dans les monts du Cantal, l'Aubrac, le Cézallier et les Monts Dore. Ces bâtiments en pierre couvert de lauzes ou d'ardoises, pour partie enterrés afin de maintenir une température stable à 10 degrés dans certains endroits grâce aux propriétés des matériaux, permettait à leurs habitants de bénéficier d’une sorte de frigos naturels…
Chez nos cousins canadiens, au Québec, ce sont des caveaux à légumes qui sont apparus au 19ème siècle. Les maisons étant souvent dépourvues de caves, leurs propriétaires avaient l’habitude de construire des caveaux à l’extérieur. Situés près des champs, ils leurs permettaient de stocker certains fruits et légumes tout au long de l’année. Si aujourd’hui, beaucoup sont abandonnés, certains sont revalorisés pour leur intérêt patrimonial. En restant frais l’été et en protégeant du gel l’hiver, ces réfrigérateurs souterrains étaient une alternative intéressante de conservation des aliments. Un caveau bien construit permettait d’avoir une humidité relative élevée et celle-ci dépendait beaucoup des matériaux utilisés. La pierre était généralement la solution privilégiée avec un sol en terre battue ou en graviers. La température ambiante pouvait rester entre 1 et 10°C selon la saison. Parfait pour la conservation des légumes !
Vous connaissez peut-être ce conte populaire qui illustre l’idée d’entraide autour d’une recette de soupe de cailloux. Et bien la soupe de caillou, au singulier cette fois, existe bel et bien. Dans la tradition de la Vallée de la Moselle, il s’agit d’une soupe paysanne réalisée avec une base de pomme de terre, navet, carotte et poireau. Selon la saison, il est possible d’y ajouter des haricots verts, du laurier ou encore du persil, mais aussi du lard fumé, des saucisses ou une poule. Mais surtout, on peut y plonger un caillou pendant la cuisson. En Lorraine, on choisit un caillou de rivière, qui doit être presque plat et de forme harmonieuse. Son rôle est important, puisque pendant la longue cuisson de la soupe, le galet, toujours en mouvement, agit comme un pilon pour écraser les légumes et affiner la texture de l’ensemble. La pierre agit également comme accumulateur de chaleur. Une fois le potage cuit, il suffit d’ajouter un peu de crème et de se régaler !
De l'argile aux arts de la table... La faïence, une pierre qui a fait son œuvre !
On peut trouver jusqu'à 5g de minéraux par litre de vin !