La Vallée des Saints : des géants comme vitrine à ciel ouvert du granit breton

La Vallée des Saints : des géants comme vitrine à ciel ouvert du granit breton

On la surnomme « l’île de Pâques bretonne », ce bout de terre du Pacifique célèbre pour ses statues Moaï monumentales. A plus de 13 000 kilomètres de là, nichée au cœur de la Bretagne sur le petit village de Carnoët (Côtes-d’Armor), voici la Vallée des Saints : une colline verdoyante de 35 hectares où se dressent quelque 170 gigantesques statues en granit de Bretagne. Elle en accueillera 1 000 d’ici à 2080… ! Magique.

 

« Raconter l’histoire de la Bretagne au Moyen Âge sous forme de statues »

C’est un projet un peu fou. Et qui mêle contes et légendes d’hier aux sculptures et savoir-faire d’aujourd’hui. « Notre association démarre en juillet 2008, quand quatre compagnons – Philippe Abjean, Sébastien Minguy, Patrice Le Guen et Philippe Hajas – décident de créer un site qui raconterait l’histoire de la Bretagne au Haut Moyen Âge », explique Sofiane Belhoul, assistant manager de la Vallée des Saints. Signe particulier ? « Ils souhaitent que ce récit se fasse sous forme de statues monumentales ! Très vite, le choix se porte sur les saints bretons, car ces personnages ont fondé directement ou indirectement des milliers de communes – anciens ermitages – de notre territoire, ils font partie de notre histoire. » A l’été 2009, le premier chantier commence…

Pol Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo, Samson, Corentin, Patern... Non, il ne s’agit pas des prénoms les plus donnés cette année, mais bien des 7 saints fondateurs de la Bretagne. Venus tout droit d’Irlande, du Pays de Galles et de Cornouailles entre le IVème et le IXème siècle, ils sont vénérés par les Armoricains, ancêtres des Bretons. Il n’en fallait pas moins pour que l’association les érige en statues, les premières du projet. « Les sculptures ont d’abord été créées sur l’un des parkings de la commune de Saint-Pol-de-Léon », se souvient Sofiane Belhoul. « Puis un site unique a été trouvé pour les accueillir : à 230 mètres d’altitude, il comporte une motte féodale du XIème siècle, des vestiges romains engloutis, une chapelle en pierres classée monument historique et un panorama à 360 degrés sur la région. ». Non loin d’un ancien corps de ferme, ces géants ont trouvé leur vallée.

 Sofiane Belhoul, assistant manager de la Vallée des Saints

 

Des blocs de 25 tonnes issus des carrières locales

De 7 en 2009, ils sont désormais quelques 170 saints à avoir leur statue érigée sur la colline. Rythme moyen ? 15 géants sculptés chaque année. Gwennael, Aaron, Azenor, Nolwen ou Konogan ont, entre-autres, rejoint les rangs. « Et à terme, notre objectif est d’atteindre un millier de statues d’ici à 2080, poursuit Sofiane Belhoul. Nous aimerions que dans plusieurs centaines années, ce patrimoine constitué nous survive et profite aux générations futures. »

Quant au cahier des charges ? « Chaque sculpteur local propose une maquette puis travaille dans un bloc de granit breton brut de 25 tonnes. Il dispose alors de 30 jours pour achever son œuvre sur le site, et a carte blanche sur l’aspect de sa création », détaille le responsable de la Vallée des Saints. Au final, chacune des statues mesure entre 4 et 7 mètres de haut et pèse, une fois sculptée, entre 8 et 15 tonnes en moyenne. Les plus imposantes sont Saint Conan et Saint Azenor : ils dépassent les 20 tonnes ! Des résultats aussi inspirants qu’envoûtants.

Le granit de Bretagne, pierre éternelle aux multiples facettes

La clé de la réussite de ces statues-menhirs réside sans doute dans la matière utilisée : le granit de Bretagne. Première pierre à obtenir le prestigieux label d’Indication Géographique (IG) de l’Hexagone dès 2017, elle se caractérise par la diversité de ses couleurs : des couleurs vives aux teintes gris-bleu pouvant aller au jaune paille ou doré, en passant par le rose et le rouge. Cette palette – unique en France – s’admire sur les géants de la Vallée des Saints au gré des nuances du jour. Et les plus observateurs constateront le grain fin si particulier et propre aux cristaux de feldspath et mica. Ouvrez l’œil !

Vieux de 300 à 500 millions d’années, ces blocs de granit prennent leur racine dans les nombreuses carrières locales. Des gisements en circuit court made in Breizh qui mettent en lumière les spécificités du territoire. « Quand le massif armoricain et ses montagnes sont secoués par une activité volcanique il y a de cela plusieurs centaines de millions d’années, le refroidissement de la lave conduit à la formation et la cristallisation des différents granits bretons, soulève Sofiane Belhoul. Nous tâchons de valoriser cette histoire au travers des saints de notre vallée. » Ainsi, Koulman et sa teinte beige sont issus du granit d’Huelgoat, Dalerc’ha et ses reflets roses proviennent du granit de Perros-Guirec. Gwen et son jaune aurore ? Il vient tout droit de la carrière de granit de Bignan !

Évoluer au milieu de ces statues le temps d’une balade, c’est aussi sentir la force et le pouvoir de ces monuments. Comme toute pierre naturelle, le granit de Bretagne exposé à la Vallée des Saints renvoie les visiteurs aux temps passés, quand les druides conféraient aux pierres des pouvoirs magiques. Ici, les légendes se perpétuent. Et se vivent ! La roche, robuste et durable, a un lien profond avec l’intimité des Bretons : on la retrouve partout. « Avoir un lieu qui met à l’honneur ce matériau noble et éternel avec l’histoire locale était pour nous une nécessité. Il y a une énergie particulière qui se dégage de la colline. L’aspect magnétique du granit breton, la dimension mystique… En fait, chacun peut trouver ici son bonheur ! »

Chantier pharaonique reconnu d’intérêt général

Pour arriver jusque-là, chaque saint fait l’objet d’un financement privé, par mécénat : particuliers, entreprises et associations peuvent faire un don pour financer le saint de leur choix, moyennant 17 500 euros par statue. « Notre association est reconnue d’intérêt général à caractère culturel depuis 2009, permettant aussi des réductions d’impôts aux donateurs », note Sofiane Belhoul. Participer à la mémoire de notre patrimoine est donc ouvert à tous pour faire de ce lieu la vitrine mondiale du granit breton. Et vu le nombre de saints bretons répertoriés, il n’y a que l’embarras du choix ! »

Ainsi, le chantier pharaonique des sculptures rythme la vie du site tout au long de l’année. Les statues monumentales sont travaillées durant le printemps et l’été, offrant aux visiteurs une initiation permanente aux méthodes ancestrales et modernes des tailleurs de pierre. D’ailleurs, un centre de formation d’apprentis pour les métiers de la pierre – campus géré par l’UNICEM à Louvigné-du-Désert (35) – est partenaire du lieu.

 

Un succès grandissant avec 350 000 visiteurs par an

Qu’il vente ou qu’il pleuve, en période de canicule ou de gel, la Vallée des Saints est ouverte gratuitement (seul le parking est payant) et toute l’année, 365 jours par an et 24 heures sur 24, permettant aux amoureux des pierres et de l’histoire d’effectuer des promenades nocturnes… en lampe torche ! En 2021, et malgré la crise sanitaire, plus de 350 000 visiteurs ont déambulé à travers le site. Un chiffre en constante progression.

A l’avenir, le site ambitionne également d’accueillir de multiples animations musicales ou théâtrales, avec des reconstitutions historiques. Et un centre d’information et de documentation sur le Haut Moyen Âge breton sera créé non loin des statues. Visite mémorable assurée… et pour l’éternité !


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