Le monastère royal de Brou, preuve d'amour figée dans la pierre

Le monastère royal de Brou, preuve d'amour figée dans la pierre

Le monastère royal de Brou est une véritable ode au savoir-faire d'antan, mais aussi à l'amour. Pas étonnant qu'il ait été élu monument préféré des Français en 2014 ! Commandité par Marguerite d'Autriche au début du XVIe siècle, le monastère était une manière pour elle de graver dans le marbre — littéralement — l'amour qu'elle portait à son défunt mari. Mais au fait, saviez-vous que pratiquement toutes les pierres utilisées proviennent de la région de la Bresse ? Découvrez l'histoire atypique de cette construction qui a fait intervenir les meilleurs artisans de l'époque.

Un chef-d'œuvre d'architecture gothique flamboyant au cœur de la Bresse

Le monastère royal de Brou est le bien le plus précieux de la ville de Bourg-en-Bresse (Ain), une des capitales de l'ancien duché de Savoie. Ce magnifique complexe religieux rassemble plusieurs bâtiments monastiques ainsi que l'église Saint-Nicolas-de-Tolentin. Si son histoire est fascinante, c'est tout d'abord son architecture qui frappe les esprits. Le monastère royal de Brou est en effet un des rares témoins du style gothique flamboyant du début du XVIe siècle en France. On dit de cette architecture qu'elle clôture la fin du gothique et annonce le début du style Renaissance. Conçu entre deux eaux, l'édifice a donc un style bien à lui, magnifié par un choix de pierres locales d'une extrême finesse.

 

 

La riche histoire du monastère royal de Brou

 

Comme pour de nombreux monuments emblématiques du patrimoine français, l'histoire du monastère royal de Brou plonge ses racines dans des temps bien plus anciens que sa construction. Remontons sa frise chronologique !

Une genèse située dès la fin de l'ère carolingienne

Saint Gérard, évêque de Mâcon, se retire vers 927 avec quelques disciples sur le site du futur monastère. Ils y créent un ermitage, où la voie de Saint Gérard perdurera après sa mort sous la forme d'un prieuré. Puis, délaissé pour des raisons inconnues, peu de traces en subsistent jusqu'en 1319 où il fut remis au comte Amédée V de Savoie. En 1506, le prieuré de Brou est racheté par Marguerite d'Autriche qui souhaite y fonder un monastère et une église pour abriter son propre tombeau, celui de son défunt mari et de feu sa belle-mère.
 


Le monastère royal de Brou, avant tout une histoire de vœux

Lorsque Philippe II se cassa le bras lors d'une partie de chasse en 1480, sa femme Marguerite de Bourbon pria et fit le vœu de fonder un couvent à Brou si son mari se rétablissait. Une promesse qu'elle n'aura pas le temps de réaliser, puisqu'elle mourut en 1483 après la guérison de son mari.

Mais c'était sans compter sur sa belle-fille, Marguerite d'Autriche ! En 1504, à 25 ans seulement, elle se retrouva veuve et sans enfant après la mort tragique de son grand amour, Philibert II (dit le Beau), également lors d'un accident de chasse. Elle refusa de se remarier et décida d'ériger le monastère royal de Brou, à la fois pour célébrer la mémoire de son défunt époux et pour exaucer le dernier vœu de sa belle-mère.

 



 

Un chantier à dimension politique

 

En tant que petite-fille du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, Marguerite d'Autriche porte une affection toute particulière pour le duché de Bourgogne, perdu lors du traité de Senlis. Soucieuse de renforcer sa puissance et de raffermir les liens entre la région savoyarde et la Bourgogne, ce chantier revêt pour Marguerite des aspects politiques forts. Elle s'inspire de l'oratoire ducal de la Chartreuse de Champmol (Dijon), clamant ainsi haut et fort son appartenance à la dynastie austro-bourguignonne.

Elle s'entoure des meilleurs artisans et maîtres d'œuvre d'Europe, parmi lesquels le sculpteur Conrad Meit et Jehan Perréal, peintre officiel des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier. Louis van Bodeghem intervient quant à lui en tant qu'architecte (appelé à l'époque maître d'œuvre). Le chantier est rapide : débuté en 1506, il s'achève en 1532. Hélas, Marguerite d'Autriche n'aura pas la possibilité d'en profiter puisqu'elle meurt en 1530 de la gangrène. Conformément à son souhait, elle est enterrée dans l'église Saint-Nicolas-de-Tolentin auprès de son mari et de sa belle-mère.

D'un sauvetage in extremis à la consécration de monument préféré des Français

Au XVIIIe siècle, le monastère royal de Brou est au bord de la destruction. Il est sauvé de justesse par Thomas Riboud, alors député de l'Ain, qui le déclare « Monument national ».

Devenu intouchable, sa reconnaissance s'accélère ensuite au fil des années. En 1862, l'église Saint-Nicolas-de-Tolentin est déclarée monument historique, suivie par deux cloîtres en 1889 puis par le troisième en 1935. Plus récemment, en 2014, le monastère royal de Brou est élu monument préféré des Français lors de l'émission éponyme de Stéphane Bern, ce qui le plaça la même année dans la liste des 20 monuments nationaux les plus visités !
 



 

La pierre, clé de voûte du monastère royal de Brou

 

Le choix des pierres utilisées lors de la construction du monastère royal de Brou n'est pas anodin : il permet d'ancrer le monument sur son territoire et de contribuer au rayonnement du savoir-faire de l'époque, ainsi que des ressources locales. La pierre revêt une telle importance dans ce formidable chantier que c'est Marguerite d'Autriche en personne qui, sous une pluie battante, posa la première pierre du nouveau monastère le 28 août 1506.

 

Quelques constructions en pierre notables

  • La pierre du Revermont : l'église Saint-Nicolas-de-Tolentin bénéficie d'un intérieur particulièrement clair grâce à une pierre blanche provenant de la carrière de Ramasse (Ain) qui appartenait à Marguerite. En durcissant, cette pierre prend une légère teinte rosée : de quoi renforcer l'aspect romantique du monument ! Très prisée, elle a également été utilisée pour le Capitole à Washington et le Palais Impérial à Tokyo.
     
  • Les gisants des tombeaux : taillés dans du marbre de Carrare (Pise — Italie), ils personnifient la puissance de Marguerite d'Autriche et son désir de vie éternelle. Cette pierre célèbre pour sa finesse et sa beauté est utilisée depuis l'Antiquité pour les royales sculptures.
     
  • Le retable des 7 joies de la Vierge : sculpté à Brou dans une unique pierre d'albâtre de Saint-Lothain (Jura), ce retable aux multiples détails affiche des dimensions colossales : 5,5 mètres de hauteur et 3,25 mètres de largeur. Ce marbre provient d'une carrière qui a fourni de nombreux blocs de pierre pour des constructions locales notoires, comme les tombeaux des ducs de Bourgogne ou des maisons de maître.
     
  • Le jubé : cette tribune élevée entre la nef et le chœur liturgique est formée de « dentelle de pierre ». Cette technique réservée aux artisans les plus aguerris consiste à ciseler la pierre si finement qu'elle prend une apparence de dentelle.
     
  • Et bien d'autres ! Parmi les types de pierres recensées, on peut citer également l'albâtre de Vaugrigneuse en Bresse, le moellon des carrières de Jasseron et de Tréconnas (Bresse), ainsi que les briques de la Dombes qui ont toutes été fabriquées à Brou.

►  Quelle est la place de la pierre dans l'architecture actuelle ?

 

 


Le saviez-vous ?
Derrière la pierre du monastère royal de Brou se cache toute une économie locale ! 
 
Le marbre de Carrare était transporté par la mer depuis Pise, puis par le Rhône jusqu'à Neyrou, et enfin par la route jusqu'à Brou. Cependant, c'est bien le transport entre Neyrou et Brou qui posait problème. La route non pavée nécessitait de multiplier des corps de métiers pour acheminer les blocs de pierre : maçons, charretiers, maréchaux-ferrants... En ajoutant à cela tous les autres ouvriers qui sont intervenus sur le chantier et l'achat des pierres locales, la dépense est colossale : près de 200 000 écus d'or anciens, soit 12 000 000 sous. En comparaison, en 1520, un ouvrier en bâtiment gagnait 3 sous par jour ! De quoi dynamiser l'économie de la région pendant de nombreuses années…
 
Toutes ces professions ont évolué depuis, mais une chose est certaine : les métiers de la pierre ont traversé les âges aussi sûrement que leurs réalisations !

► Découvrez la version moderne du métier de tailleur de pierre


 

Sans la pierre, rares sont les monuments à traverser les âges. Que vous soyez passionnés des chœurs de pierre ou des belles histoires de cœur, suivez les pas de Marguerite d'Autriche dans le monastère royal de Brou, véritable témoin de la profusion de l'offre en pierre naturelle de la région !

 


Stéphane Bern évoque le monastère de Brou élu Monument Préféré des Français

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