Savez-vous pourquoi on roule à droite (et les Anglais à gauche) ?

Savez-vous pourquoi on roule à droite (et les Anglais à gauche) ?

C’est une de ces histoires qui peuvent vous permettre de briller en société, d’épater l’assistance au repas de famille du dimanche ou de passer pour le plus cultivé du bureau… La grande histoire de la route est passionnante, elle s’écrit au fil des époques, des civilisations, des matériaux et des techniques de construction. Romains, chevaliers du Moyen-Age, Napoléon et les Anglais, McAdam, Colas : un casting 5 étoiles. Accrochez vos ceintures pour un voyage à travers le temps et sur nos routes !

Comme tous les jours, ce matin vous êtes parti au travail en voiture, en bus, à vélo et naturellement vous vous êtes élancé sur le côté droit de la route. Au même moment, tous les Français ont fait comme vous, et même les deux tiers des habitants du globe. Car eux aussi roule à droite ! Mais de l’autre côté de la Manche, l’Anglais, lui, a fait l’inverse, il est parti à gauche. Et il n’est pas le seul puisque tous ses petits camarades du Commonwealth l’ont imité. Alors, sachez d’abord que ce n’est pas sous le simple effet du célèbre esprit de contradiction britannique… Ça remonte un peu plus loin que cela.

Jules César roulait déjà à droite !

Ce sont les Romains qui ont construit les premières routes, les fameuses via romana (sic). A l’époque déjà, les hommes se croisaient sur leur gauche. La plupart étant droitiers, ils portaient leur glaive sur la jambe gauche pour le dégainer facilement. Au 1er siècle, avec l’avènement de l’Empire, qui s’étendait de la Bretagne à l’Égypte – même si un village d’irréductibles gaulois résistait à l’envahisseur…  –, les légions devaient pouvoir se déplacer rapidement sur de longues distances. Le commerce s’intensifiant entre les différentes régions, nécessitait lui aussi des routes plus fonctionnelles. C’est alors l’esclavage qui a permis le développement du réseau routier.

Construction d'une route romaine via un bon article du site du village de Toutour (83)

Les routes étaient déjà construites en plusieurs couches : une fosse profonde de plus d’un mètre creusée recouverte d’une couche de cailloux grossiers de 30 à 60 cm. Un lit de gravier de 25 cm puis une couche de sable ou de ciment de 30 à 50 cm, achevé par un revêtement final constitué de dalles de pierre ou d’opus caementicium, sorte de béton romain.

 Jules César menant ses troupes - photos du site de passionnés Légion VIII Augusta

Au Moyen-Age, à gauche toute !

A l’époque médiévale, changement de côté, on roule à gauche. Les hommes se déplaçaient à cheval et portaient l’épée à gauche. Ils préféraient ainsi se croiser sur leur droite pour que leurs armes ne se heurtent pas. Des épées qui s’entrechoquaient et c’était un duel assuré : on ne faisait pas beaucoup de sentiment à l’époque. A ce moment-là, le réseau routier vécu une réelle régression. Les voies n’étaient pas entretenues et se sont détériorées. Il n’y a qu’à Paris que de nombreuses rues ont été pavées, mais ailleurs les chemins tracés sont restés à l’état naturel. Des péages dédiés aux routes, mais souvent détournés au profit personnel de leurs possesseurs, ont permis la construction de ponts et autres ouvrages destinés à franchir les passages difficiles.

Retour à droite au 17e

Au 17e siècle, c’est l’invention du Conestoga qui a tout changé à nouveau. Il s’agit d’un chariot bâché, tiré par 6 ou 8 chevaux et dépourvu de siège pour le cocher. Celui-ci devait alors s’asseoir sur le cheval de gauche afin de mener l’attelage de la main, celle qui tenait le fouet. C’est un peu technique mais lorsque 2 charrettes se croisaient, le fouet pouvait être déployé du côté du champ sans risque de blesser les usagers de l’autre côté de circulation. Alors que les routes étaient dans un état déplorable, de nouvelles méthodes de construction font leur apparition. En 1775 notamment, la méthode Trésaguet : le rôle principal de la couche profonde était de transférer le poids de la route et la pression exercée par les véhicules à la terre. La 1re couche en forme de pavé de blocage était affermie et battue à la masse. Le surplus de pierre était arrangé à la main, battu et cassé grossièrement pour que les morceaux s’incrustent les uns dans les autres sans laisser aucun vide. Enfin, la dernière couche, faite avec de la pierre plus dure, était cassée de la grosseur d’une noix pour être jetée à la pelle sur la chaussée et former le bombement. Un peu ce que l’on fait aujourd'hui sur les routes départementales avec le gravier…

Napoléon impose le "circuler à droite" dans tout l'empire - photo blog Armae

Napoléon attaque par la droite !

En Europe, le fait de rouler à droite n’est fixé qu’avec Napoléon. Jusqu’alors, la stratégie militaire exigeait de commencer les combats sur le flanc gauche de la cavalerie adverse. Mais l’empereur a lui décidé de miser sur l’effet de surprise en ordonnant à ses hommes d’attaquer par la droite. Après une série de victoires, Bonaparte a imposé la circulation à droite dans tout l’empire. Et vous avez bien suivi, c’est là le point le plus important de l’histoire ! Seuls les Britanniques restés invaincus continueront de rouler à gauche, un usage qu’ils étendront à l’ensemble de leurs colonies. Du côté de la construction des routes, c’est un Écossais au nom évocateur, un certain McAdam, qui va innover et proposer les premières routes modernes. Il a développé un matériau peu coûteux, constitué de terre et de graviers aggloméré, le macadam. Il a ainsi proposé de créer des routes avec 3 couches de pierres : les 2 premières sont constituées de granulats cassés à la main et la 3e de granulats plus petits. Chaque couche est rendue compacte avec le passage d’un rouleau compresseur.

Le concept de McAdam est toujours décliné aujourd'hui

Au 20e siècle, certains changent de camp…

Au 20e siècle, quelques retardataires décident de changer de côté. Le 3 septembre 1967 à 5h du matin, c’est le « Dagen H », le jour J pour la Suède qui passe de la conduite à gauche à la conduite à droite. Un an après, c’est au tour de l’Islande. En 2009, les Samoa sont le dernier pays dans le monde à changer de sens de circulation pour passer à la conduite à gauche. Ils peuvent ainsi acheter des voitures moins chères au Japon, en Australie ou en Nouvelle-Zélande.

…et la route entre dans l’ère de la modernité

Franck Izorche, directeur technique et recherche pour l'Auvergne chez Colas

Cocorico, vous ne savez peut-être pas mais le leader mondial de la construction de route est Français, il s’agit du groupe Colas. En Auvergne, c’est Franck Izorche qui est la tête de la direction « Technique et recherche ». L’élaboration d’une route n’a aucun secret pour lui : « aujourd'hui la méthode est d’abord de purger la couche supérieure du sol. On réalise ensuite la couche de forme qui sert de caisse de résonance à la chaussée. Elle est constituée d’une grave non traitée, c’est la roche des carrières obtenue après un premier concassage. » La suite, c’est une forme de millefeuilles… « En fonction du trafic, il y aura un nombre de couches plus ou moins important. On commence par une couche de fondation toujours en grave non traitée mais avec une granulométrie plus fine. Tous les matériaux sont issus des carrières locales. Il faut une pierre qui ne craigne pas le gel. Sur cette couche de fondation, on a une couche de base, puis une couche de liaison et une couche de roulement. Ces couches-là sont réalisées en enrobé. » Preuve que l’approvisionnement en matériaux auprès d’entreprises locales est primordial sur ces chantiers : pour 1 km d’autoroute, il faut 30 000 tonnes de granulats !

L'importance des ressources locales : pour 1 km d’autoroute, il faut 30 000 tonnes de granulats

La route du futur aime le soleil et absorbe la pollution !

L’une des dernières avancées technologiques, c’est le bitume photovoltaïque. Ce sont des cellules capables d’alimenter en électricité l’éclairage public d’une petite ville. En 2016, le 1er km de ce procédé baptisé Wattway a été inauguré dans l’Orne. Une innovation qui a un coût, 5 millions d’euros de plus qu’une route classique. Chez Colas, les pistes de recherche sont nombreuses. « Il y a tout ce qui est route anti-bruit avec une couche de roulement qui absorbe le bruit, éclaire Franck Izorche. Mais il existe également des routes qui absorbent la pollution. »

Pas encore de voitures volantes mais déjà des routes connectées... 

Et puis évidemment comme tout devient connecté, nos routes ne font pas exception. « On voit déjà des routes où les bandes blanches s’allument quand vous roulez dessus. Et ce n’est que le début ! » 2000 ans après sa naissance, la route a encore de beaux jours devant elle, à moins que les drones… mais c’est une autre histoire !

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