Créer nos routes et réseaux de voirie, entretenir nos ponts et barrages, construire nos maisons et immeubles, rénover nos bâtiments publics ou locaux commerciaux… Chaque jour, les chantiers du BTP imposent de transporter d’importants volumes de matériaux de construction, indispensables à notre vie quotidienne. Comment ? Par des trajets savamment étudiés. Qu’elles soient parcourues en camions, en bateaux ou en trains, les distances, entre les lieux d’extraction et de production des matériaux et les chantiers, n’excèdent pas une trentaine de kilomètres en moyenne. Car ces matières premières sont à la fois lourdes et volumineuses. Une réflexion constante sur le meilleur mode de transport est ainsi menée pour optimiser ces déplacements, à l’heure où l’acceptabilité sociale et le respect de l’environnement sont des enjeux majeurs. De leur extraction jusqu’à leur utilisation, La Vie en Pierre vous fait découvrir les circuits-courts du transport des matériaux !
C’est une question qui mobilise autant qu’elle fascine les plus grands chercheurs depuis des millénaires. Souvenez-vous des pyramides d’Égypte ! Comment transporter sur le plateau de Gizeh ces blocs de calcaires de 2,5 tonnes chacun ? Si les secrets autour des méthodes de construction sont toujours bien gardés, ceux relatifs au transport des matériaux ont été plus rapidement percés : des carrières à ciel ouvert constellent les rives du Nil et la pierre locale – extraite à proximité de ces merveilles de l’Antiquité – a été la ressource essentielle à leur édification. Et 5 000 ans plus tard, rien n’a changé, ou presque !
Dès la construction des premières maisons, les pierres et la terre à disposition sont utilisées. Facile, nous direz-vous, puisqu’il suffit de se baisser pour les ramasser ! Plus sérieusement, quel que soit le type de construction, la distance entre le chantier et les matériaux choisis va être pensé minutieusement. Rechercher le trajet le plus court s’impose alors comme le principal enjeu. C’est ainsi que le développement d’un maillage de proximité entre les sites d’extraction, de transformation et de mise en chantier devient la solution la plus efficace pour optimiser les flux de logistique. Le transport contemporain de la pierre était né !
En camion, Simone ! Puisque les matériaux sont utilisés localement, le transport routier est le plus adapté. C’est ce qu’on appelle la logistique du dernier kilomètre, qui permet d’arriver jusqu’aux portes du chantier. La route est donc naturellement devenue le moyen de transport privilégié : 90% des matériaux circulent sur les routes françaises dans les bennes de nos camions, pour des distances inférieures à 50 kilomètres. Ainsi, la distance moyenne parcourue par les granulats est de 33 kilomètres, c’est trois fois moins que l’ensemble des marchandises transportées par la route ! Et pour ce qui est du béton prêt à l’emploi – béton liquide donc, à la prise rapide – dont le maillage de proximité des unités de fabrication favorise les circuits-courts, c’est encore moins ! Sa distance d’acheminement moyenne d’un chantier est ainsi comprise entre 5 et 15 kilomètres. Que faire alors pour les longues distances ? Un transport par bateau ou par train nécessite effectivement des trajets d’au moins 50 km. Oui, mais il exige surtout de la massification.
Ce n’est pas un sport de combat, mais avec le transport fluvial et ferroviaire, bienvenue dans la catégorie poids lourds ! En effet, parler de transport de masse est assez bien adapté à ces deux modes de déplacement des matières premières de la construction.
Avec un bateau, une très grosse quantité de matériaux peut être déplacée : l’équivalent de 100 à 200 camions. Et sachant qu’un camion peut contenir 10 m3 de matériaux… cela en fait des pierres dans une barge ! Exemple à Lyon, lors du chantier du nouveau tunnel de la Croix-Rousse, 160 000 m3 de terres ont été extraites, dont près des deux tiers évacués via la Saône. La voie fluviale est aussi très utilisée en Île-de-France, en Normandie ou dans les Hauts-de-France, du fait de la proximité de ces régions avec la capitale. Les carrières font désormais défaut à Paris, et les difficultés de transport incitent fortement à cet usage.
Quant au ferroviaire ? Si sa fiabilité d’acheminement pose parfois problème, cette solution est bien souvent privilégiée dès que cela est possible et dès que l’on parle de longues distances. Dans tous les cas, le camion continue la plupart du temps d’assurer le dernier kilomètre. Bateaux, trains et camions sont ainsi des voies de transport complémentaires pour approvisionner en temps et en heure un chantier.
Ça s’active en coulisses ! Parce que la filière des carrières et des matériaux de construction est engagée depuis de très longues années dans une démarche de respect et de préservation de la biodiversité, la nécessité de réduire ses émissions de carbone est une priorité. La proximité en est un axe majeur : une tonne de granit français consomme par exemple 10 fois moins de CO2 que son équivalent chinois. Mais il n’y a pas que cela. Parallèlement à la nécessité de maintenir et de favoriser la livraison des matériaux en circuits courts, une réflexion pour optimiser et rendre le transport de matériaux toujours plus propre est menée. Avec des solutions techniques, industrielles et logistiques concrètes qui s’imposent peu à peu.
Ils sont indispensables, alors autant les rendre plus propres ! C’est la volonté du secteur pour rendre les camions qui transportent les matériaux essentiels aux réalisations de nos logements et nos équipements plus respectueux de l’environnement. Comment ? En incitant les constructeurs de poids lourds à proposer des véhicules adaptés et viables économiquement.
Et c’est sans compter sur les progrès des outils d’aide à la logistique comme les tracker, qui permettent aux camions de ne jamais rouler à vide.
La preuve par l’exemple ! Les démarches vertueuses se multiplient sur le territoire pour favoriser encore un peu plus les solutions de transport de matériaux décarbonées et répondant à l’exigence des circuits-courts. Voici comment deux professionnels adaptent leur façon de travailler, symboles du secteur en pleine mutation écologique.
Direction la Drôme ! Il y a 30 ans déjà dans le petit village d’Albon, le dirigeant des carrières Delmonico Dorel décidait de créer, un peu à contre-courant, une société de transport fluvial. Dominique Dorel explique sa démarche : « Nous souhaitions développer un mode de transport alternatif à la route. Nous avons donc créé cette société. C’est un bel exemple qui permet de montrer que nous avons pu faire du report modal sur environ 20% de notre trafic ». Car qui dit plus de bateaux sur l’eau dit moins de camions sur les routes ! Toutefois, Dominique Dorel voit aussi la limite de l’exercice : « Économiquement, ça ne tient pas sur les courtes distances. Le bateau est plus pertinent sur 100 ou même 200 kilomètres. Il faut trouver des solutions à la fois écologiques et économiques. Le problème du fluvial est qu’il faut massifier une quantité importante comme une plateforme logistique pourrait le faire. La rupture de charge, c’est-à-dire le fait de charger ou de décharger, coûte vite très cher par rapport à la valeur du matériau ». Heureusement, il existe aussi des solutions pour éviter ces ruptures de charge : « A Lyon, la berge arrive au Port Édouard Herriot où l’on a une plateforme et nous alimentons l’unité de production de béton prêt à l’emploi qui est juste à côté, sans camion ».
Mais chez Delmonico Dorel, on fait aussi évoluer l’usage de la route : « Nos camions sont équipés de bâches. Ils fonctionnent au gaz naturel comprimé (GNC), ce qui nous permet de réduire le bruit d’environ 50% et d’être en avance sur les contraintes de la ZFE (NDLR : zones de faible émission qui sont amenées à se développer dans les villes et métropoles). Nous avons un parc récent plus performant en matière de consommation d’énergie. En moyenne, nous changeons nos camions tous les 5 ans. ».Et cette solution a largement fait changer les choses : « Les camions au gaz nous permettent de supprimer 99% de particules fines et de réduire de 30% nos émissions de CO2. Pour y parvenir, nous avons permis à un méthaniseur de s’implanter sur site pour que demain nous puissions consommer le gaz produit par des résidus agricoles. »
C’est le Nord ! Plus grande carrière de France à ciel ouvert avec 6 millions de tonnes de granulats extraites chaque année, les Carrières du Boulonnais se trouvent entre Boulogne-sur-Mer et Calais. L’entreprise expédie aujourd’hui 2,7 millions de tonnes par train et fait, elle aussi, figure de modèle. Pour Hélène Buridant, directrice du secteur Grand Paris, la direction empruntée est celle du multimodal : « La route reste prépondérante, entre 50 et 60% de notre trafic. Mais nous utilisons aussi beaucoup le train depuis les années 70. A l’époque, nous l’utilisions surtout pour Arcelor, notre client historique. Depuis, nous avons beaucoup développé le train pour notre marché BTP en constante évolution, essentiellement en Ile-de-France, où nous avons 4 plateformes logistiques. Pour faire du plus local encore avec le train, il faudrait avoir de très gros volumes. »
Pour développer le ferroviaire au sein des Carrières du Boulonnais, il a fallu penser les aménagements : « La carrière est embranchée fer depuis 1974. Nous sommes rattachés à une petite gare locale qui se trouve à 5 kilomètres du site, par voie unique. Nous travaillons avec 3 opérateurs ferroviaires. Nous faisons circuler entre 40 et 45 trains par semaine ». Et aujourd’hui, c’est un choix qui présente de réels avantages : « C’est évidemment la capacité de transporter de gros volumes. Il faudrait un nombre de camions considérables pour transporter de tels volumes. Le fret ferroviaire nous permet une réduction de nos émissions de CO2 équivalente aux rejets émis par 40 000 camions par an. »
Et pour l’avenir, le ferroviaire reste un véritable axe stratégique pour l’entreprise : « Nous avons investi dans un tout nouveau terminal ferroviaire qui a une capacité de 4 millions de tonnes. Nous considérons le ferroviaire comme une solution d’avenir. L’idée est de mettre de moins en moins de camions sur la route et de basculer vers le train, pour des aspects environnementaux et sociétaux. Aujourd’hui, nous disposons de wagons nouvelle génération qui permettent une optimisation des temps de déchargement et une augmentation de la charge utile. Et nous avons investi dans deux locomotives électriques sur site pour faire les manœuvres. Elles remplacent les locomotives diesel historiques. Enfin sur notre plateforme de Mitry-Mory, en région parisienne, nous avons des locomotives toute dernière génération qui réduisent nettement les consommations de carburant et l’empreinte environnementale. »
Une démarche écologique et de proximité qui permet à l’entreprise d’être au cœur des marchés pour livrer les chantiers locaux.
Quels transports de matériaux dans 30 ans ? L’horizon 2050 se rapproche ! Grâce à l’engagement des professionnels du secteur, peu de doute que la mise en œuvre des matériaux sur les chantiers de nos routes, logements, écoles ou hôpitaux seront décarbonés et adaptés aux enjeux de la transition écologique. Et difficile d’imaginer une disparition du transport routier pour acheminer les matériaux vers les différents sites. Comment sera alors utilisée la route ?
Ce qui semble certain, c’est que le transport de matériaux sera encore plus propre, plus optimisé, plus intelligent. La route est longue, mais les producteurs de matériaux s’y engagent au quotidien. Le futur du transport est sur de bons rails !
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