La Vie en pierre enquête ! Quelle est la cause de l’incendie du château de Randan ?

La Vie en pierre enquête ! Quelle est la cause de l’incendie du château de Randan ?

En 1925, dans le Puy-de-Dôme, un terrible incendie a ravagé le Domaine royal de Randan. Rien, hormis les plus belles pièces du mobilier, n’a alors pu être sauvé. Un drame qui a mis un coup d’arrêt à la formidable histoire de la famille d’Orléans avec cette propriété au mode constructif, pierres locales et matériaux utilisés remarquables. Quelles sont les causes de cet incendie ? Qui sont les responsables ? La Vie en pierre a décidé de revenir sur l’histoire de ce château, haut lieu de patrimoine auvergnat, et de mener l’enquête…

 

Demeure de villégiature, le château de Randan est un charmant château de deux étages construit en briques polychromes, roses et grises, formant des motifs losangés. Ses hauts toits en ardoise sont percés de très belles lucarnes ornementées. Sur la façade nord, le corps de logis est encadré de deux tourelles hexagonales et de deux pavillons carrés. Les cuisines, construites en 1821, sont attenantes au château et composées de huit salles voûtées et couvertes d’une étonnante terrasse. L’ensemble est complété par une chapelle de style néo-classique, d’une orangerie, de la maison de l’inspecteur et des grands communs. Tout autour, le parc du Domaine royal en fait un formidable lieu de villégiature.

 

Une longue histoire destinée à partir en fumée

C’est au 13e siècle que l’on relève pour la première fois l’existence de la famille de Randan. A l’époque, leur propriété est un simple petit château féodal établi à la place de l’actuelle cour d’honneur. Le nouveau château n’a ensuite été mis en chantier qu’au cours du 16e siècle sans doute par les Comtes de Randan. Ce sera alors la base du futur domaine, celui de la famille d’Orléans qui arrive à Randan en 1821 en la personne de Louis-Philippe, duc d’Orléans et futur roi de France.

Sa sœur, Adélaïde, amoureuse du domaine, se lance dans d’incessants travaux réalisés entre 1822 et 1847. Elle fait agrandir les bâtiments. On utilise alors des matériaux locaux : de l’argile pour la brique rouge et la brique noire flammée pour la façade et sa construction en chevrons, mais également la pierre de calcaire et la pierre noire de Volvic.

Dans les années qui suivent la révolution de 1848 et l’exil de la famille d’Orléans, le domaine passe d’héritiers en héritiers. Quelques années seulement avant le mystérieux incendie de 1925, c’est le duc Ferdinand de Montpensier qui hérite du domaine de Randan. Mais en 1924, il laisse une veuve, la duchesse de Montpensier. C’est elle qui assistera à la disparition du château à travers les flammes.

 


Sculpture d'Anne-Marie Louise d'Orléans, Duchesse de Montpensier, aux jardins du Luxembourg à Paris

 

Un matin de juillet 1925, le feu emporte tout

C’est dans la nuit du 25 au 26 juillet, lors d’un séjour de la duchesse et de quelques amies, que le château prend feu. Elle y est présente depuis seulement deux jours lorsque vers 4h du matin tout le monde est réveillé par les cris des domestiques : « Au secours ! Au feu ! ». L’alarme est donnée lorsqu’on constate que le feu a pris dans le boudoir alors entièrement embrasé. Hélas, quand les pompiers arrivent, l’aile droite se consume déjà. Deux hommes sont blessés au cours de l’opération. Depuis Clermont-Ferrand, à 40 km de là, on aperçoit une haute colonne de fumée.

Les dégâts sont énormes. Le clocheton central puis l’ensemble de la toiture s’effondrent dans un terrible fracas. Ce violent incendie laissera finalement des ruines qui ne seront jamais relevées. On sauve seulement quelques pièces de mobilier, la collection de chasse, unique, du duc de Montpensier, quelques tapisseries des Gobelins et d’Aubusson. Ce sont près de 30 millions d’objets et de reliques de la maison de France qui viennent de disparaître. Le 26 juillet, Le Petit Parisien titre « Le reliquaire des Orléans est aujourd’hui en cendres ».

 

Quelques jours après l’incendie, on s’interroge…

Très vite, on s’interroge sur les causes de ce mystérieux incendie. Le journal Le Siècle se demande « Que s’est-il passé ? ». Il faut dire que quelques mois plus tôt déjà le château fût le théâtre d’une mort assez suspecte. En janvier 1924, le propriétaire, le duc Ferdinand de Montpensier, décède brutalement. Dépendant depuis plusieurs années à l’opium, il disparaît prématurément à l’âge de 39 ans dans ses appartements du château de Randan. Très vite, on juge sa disparition suspecte. Sa femme et la famille espagnole de cette dernière sont soupçonnées d’avoir profité de la faiblesse du duc pour lui faire modifier son testament. Tous les biens de Ferdinand de Montpensier reviennent finalement à sa veuve malgré un mariage peu heureux. Au moment de l’incendie, c’est elle, la duchesse de Montpensier, qui réside au château. Une enquête criminelle est finalement ouverte pour élucider le mystère de cet incendie.

 


Façade principal du château de Randan, © Domaine Royal de Randan

 

Entre hypothèses et rumeurs

A la suite de l’incendie, les rumeurs vont bon train. Toutes les hypothèses sont étudiées par les magistrats du parquet de Riom :
 
  • Un court-circuit ?

Il est assez rapidement établi que l’hypothèse d’un incident électrique n’est pas la bonne. Depuis la mort du duc, le courant électrique avait en effet été coupé. Il ne devait être rétabli que le jour-même de l’incendie pour le séjour estival de la duchesse.
 
  • Une cigarette mal éteinte ?

Là encore, on semble loin de la vérité. La duchesse et sa cousine ne fument pas. Ce n’est donc pas une cigarette mal éteinte qui a mis le feu dans le boudoir. La piste d’une lampe approchée des tentures est aussi à exclure puisque la visite du boudoir chinois s’est faite en plein jour.
 
  • L’acte de malveillance ?

C’est la théorie mise en avant par la duchesse elle-même. Maria-Isabelle se souvient d’avoir laissé la fenêtre du boudoir chinois ouverte après sa visite avec sa cousine la veille. Quelqu’un aurait pu s’introduire et allumer le feu. La duchesse affirme aussi avoir entendu des pas dans la galerie après son dîner. Mais jamais finalement cette hypothèse ne sera vérifiée.
 
  • La fraude à l’assurance ?

A la fin de l’été, une nouvelle rumeur, celle d’une escroquerie à l’assurance. Selon certains, la duchesse de Montpensier aurait pu déclencher l’incendie pour obtenir de l’argent de son assurance. Il faut dire qu’à l’époque, on dit qu’elle payait les notes de ses médecins avec des tableaux de maîtres. Mais là encore, il ne s’agira que d’une rumeur car le château n’est pas assuré ! Les primes n’étaient plus payées depuis plusieurs années. Et puis pourquoi aurait-elle fait disparaître son propre patrimoine ? Cette rumeur est liée sans doute à ses relations difficiles avec les gens du village très attachés à la famille d’Orléans qui la considérait comme une étrangère. Alors imprudence, malveillance ou accident ? Rien ne prouve que l’incendie ait été accidentel. Rien ne prouve non plus qu’il s’agissait d’un acte criminel.
 
 

Depuis l’incendie, le mystère demeure…

 
Si depuis ce matin de juillet 1925, le mystère reste entier sur la véritable cause de l’incendie qui a tout emporté sur son passage, le domaine a su renaître. Aujourd’hui propriété du Conseil régional de Rhône-Alpes-Auvergne, il accueille chaque année de nombreux visiteurs, curieux de découvrir son architecture, son parc et son riche mobilier. Sa collection d’animaux naturalisés assez unique suscite aussi l’intérêt des petits comme des grands. 
 

Domaine Royal de Randan
 

De nombreuses années plus tard, nouvel événement de taille. En 1958, à la mort de la duchesse de Montpensier, on découvre qu’elle avait contracté un mariage secret avec celui qu’on croyait être son secrétaire, José Maria Huarte. C’est lui qui hérite alors du château de Randan. Mais les premiers travaux de sauvegarde du château ne sont réalisés qu’à la fin des années 70. En 1982, il est classé Monument historique avant de passer dans le domaine public en 1999. Le Conseil régional en devient seul propriétaire en 2009 et entreprend depuis un vaste programme de restauration. Aujourd’hui les visiteurs se promènent au milieu des ruines d’un domaine édifié à partir d’un château médiéval. Ils peuvent à leur tour imaginer le scénario du terrible incendie de 1925 et se projeter grâce aux magnifiques pierres locales encore largement conservées…

 


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