Après avoir largement investi le champ architectural et souvent avec succès (cf Quand l’art rencontre le béton 1/2), le béton a su également démontrer sa pertinence dans d’autres secteurs de la création artistique. Ainsi de la sculpture monumentale à la robe de grand couturier en passant par l’objet design, le matériau a su séduire un nombre toujours plus grand d’amateurs de belles choses. Il est maintenant devenu la coqueluche de nombreux artistes et créateurs qui apprécient ses qualités à la fois techniques et visuelles. Et le béton ne cesse de nous surprendre…
En sculpture, le béton rivalise avec des matériaux plus classiques comme la pierre. Mais lorsque les artistes font le choix du béton, c’est pour réaliser des œuvres monumentales. Vincent Ganivet en est le parfait exemple lorsqu’il crée avec le béton des sculptures semblables à des arches de cathédrale. Celles-ci sont montées avec des blocs béton sans mortier ni colle et semblent défier les lois de la pesanteur. L’artiste apprécie particulièrement d’associer une mise en œuvre raffinée à un matériau aussi brut. Il cherche l’équilibre entre le poids du béton et la légèreté des courbes. Il arrive ainsi à empiler des blocs jusqu’à 8 mètres de haut. Pour une œuvre de 6 mètres pesant 5 tonnes, il a utilisé 350 blocs de béton. Certains utilisent le béton pour un art plus régressif. C’est le cas de l’Américain Andrew Lewicki avec son œuvre « Concrete Legos », une réalisation composée de 12 blocs en béton qui s’emboitent comme des briques de Lego.
À travers la planète, des œuvres en béton ont particulièrement marqué les esprits par leur aspect grandiose ou inattendu.
On ne peut évidemment pas ignorer l’Opéra de Sydney en Australie. Son architecture parfois comparée à un voilier ou à un coquillage est devenue un symbole de la ville et une attraction touristique majeure. Le lieu a été conçu comme une sculpture. Ses voûtes ont permis d’innover dans le domaine de la préfabrication du béton armé. Aujourd’hui, l’opéra est supporté par 580 piliers de béton qui s’enfoncent jusqu’à 25 mètres sous le niveau de la mer.
L'Opéra de Sydney en Australie
Sur le continent américain, la Statue de la Liberté retient nécessairement l’attention. Ou plutôt son piédestal ! Et celui-ci est aussi haut que la statue elle-même, soit 46 mètres de haut. Avec ce chantier, les Américains ont construit la plus grande structure en béton du 19e siècle : 27 000 tonnes ! Le piédestal a été construit de murs en béton formant une fondation pyramidale tronquée et comportant une ouverture centrale. L’ouvrage aura finalement coûté aussi cher que la Statue de la Liberté !
En Asie, ce sont des mains géantes qui ont fait parler d’elles. Ces mains en béton soutiennent un « Pont d’or » piétonnier de 150 mètres juché à 1400 mètres d’altitude au-dessus des forêts du centre du Vietnam.
Finissons par l’ « Espoir de paix » d’Arman à Beyrouth. Cette œuvre, érigée en 1995 devant le ministère de la Défense, mesure 32 mètres et pèse environ 6000 tonnes. Elle se compose de 78 chars d’assaut, jeeps et pièces d’artillerie scellées dans une monumentale tour de béton. Figés dans le béton, les armes deviennent inutilisables et symbolisent la paix au Liban.
Statue de la Liberté à New-York, USA
Mais le béton n’est pas utilisé que pour des œuvres d’art de grandes tailles. Il peut aussi jouer la carte de la finesse notamment dans le secteur du design. Le matériau peut alors exprimer toute sa minéralité dans des réalisations de mobiliers, d’objets d’art de la table ou même de luminaires. En 2013, ce sont même des enceintes audios qui ont été conçues en béton pour ses qualités acoustiques. Parmi les designers adeptes du béton, nous pouvons citer la Française Matali Crasset. Elle a notamment créé des objets à facette comme une vasque à champagne, un photophore ou un soliflore pour lesquels le béton est mélangé à une autre matière : laiton poli, laiton brossé ou encore étain massif poli. La création emblématique de Matali Crasset est baptisée « Quand Jim monte à Paris » : une colonne d’hospitalité qui se déplie pour devenir un lit avec une petite lampe et un réveil. Mais le béton dans le design, ce n’est pas si nouveau. Dès les années 1920, le mobilier intégré à l’architecture inspirait des architectes comme Le Corbusier. Des fauteuils et des bancs étaient même déjà conçus au milieu du 19e siècle.
« Quand Jim monte à Paris ». Crédit photo : © Ideat
Dans les années 80, l’intuition du joaillier Patrice Fabre l’a mené jusqu’au béton pour une collection baptisée « béton armée et diamant ». En alliant le matériau brut à la plus noble des pierres précieuses, Patrice Fabre a créé une ligne de bijoux, -bagues, montres, bracelets-, particulièrement innovante mais aussi élégante. Pour y parvenir, son créateur a dû s’appuyer sur une formulation de béton spécifique capable de répondre aux exigences d’adhérence, de non-toxicité et de pérennité. En 2013, c’est au tour du joaillier Thomas Hauser de tenter l’expérience avec des boucles d’oreilles distinguées par le Red Dot Design Award. Pour les réaliser, il a fallu utiliser un béton de 2,3 g/cm3, 8 fois moins dense que de l’or.
Le béton est même capable de se frotter à la haute-couture. Lors d’un défilé automne-hiver en 2014, Karl Lagerfeld a défrayé la chronique en faisant le choix de ce matériau. Ce sont les designers François-Charles et Nancy Génolini qui ont d’abord eu l’idée de lui proposer des échantillons de tissus en béton. Ceux-ci avaient coulé dans des moules sur-mesure un béton à la fois léger et résistant pour obtenir de minuscules cubes qu’ils pouvaient ensuite relier entre eux par une trame de fils noirs. En plus des créations du styliste de Chanel, François-Charles Génolini a conçu pour son épouse une robe en dentelle de béton d’un poids de 4,5kg ! Il obtient un tissu aux motifs baroques étonnamment fluide. Nous sommes loin une fois encore de l’image sombre et froide de certaines constructions en béton. Coût de cette belle expérimentation : entre 25 000 et 30 000 euros tout de même !
La Cité du Design de Saint-Etienne, la rencontre de l’art et de l’industrie