Quand l’art rencontre le béton (1/2) : un matériau devenu une évidence en architecture

Quand l’art rencontre le béton (1/2) : un matériau devenu une évidence en architecture

Autrefois considéré comme froid et sans aucun intérêt esthétique, le béton a depuis su convaincre grâce à des œuvres architecturales particulièrement reconnues. Par ses qualités techniques d’abord, le béton a séduit bon nombre d’architectes de renom. Mais également par la liberté qu’il a pu leur offrir en matière de créativité. Le béton n’a en effet pas de limites. Certaines créations sont d’ailleurs le témoignage de l’inventivité permise par le matériau. La Vie en Pierre vous propose ainsi un tout d’horizon des usages artistiques du béton en architecture... 

 

Art et béton, une alliance qui n’a pas toujours été évidente…

Gris, brut, froid, parfois rugueux, le béton ne bénéficiait pas forcément d’une image très positive. Autant d’idées reçues qui ont rendu difficile la séduction des artistes ou des architectes de renom. Jusqu’à la fin du 19e siècle, c’est essentiellement un matériau d’infrastructure qui reste caché sous les revêtements de pierres ou de briques. Son coût économique et ses atouts techniques en font alors plutôt un allié de choix pour des bâtiments industriels sans âme. Sans reconnaissance esthétique, il est souvent utilisé pour des parkings grisâtres, des barres d’immeubles ou même les fameux blockhaus.

 

…mais le matériau a su convaincre

Mais petit à petit des architectes visionnaires ont commencé à l’utiliser dans une voie plus esthétique et plus seulement fonctionnelle. C’est le cas de Perret, Sauvage ou encore Baudot. Auguste Perret a par exemple imposé le béton « esthétique » avec des réalisations comme le Théâtre des Champs-Élysées à Paris ou l’église du Raincy. Il dira même :

« Mon béton est plus beau que la pierre. Je le travaille, je le cisèle, j’en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux ».

Par la suite, des architectes comme Le Corbusier suivront la voie de cette esthétique brute et dépouillée. Aujourd’hui, le béton est d’ailleurs devenu l’un des matériaux de construction les plus utilisés au monde.

 

Façade du Théâtre des Champs-Elysées à Paris, France

 

Le Corbusier, Niemeyer… Tony Garnier : des œuvres architecturales d’avant-garde

Le Corbusier et Niemeyer sont des architectes emblématiques d’une utilisation artistique du béton. Ils sont les auteurs de réalisations iconiques.

Le premier est un architecte suisse naturalisé français dans les années 30. Connu pour sa réflexion sur le logement collectif, l’œuvre architecturale de Le Corbusier regroupant 17 sites est classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le Corbusier est aussi connu pour la technique constructive poteau/dalle dont l’archétype est la Villa Savoye. Les façades y sont libérées de la fonction structurelle. Parmi les réalisations les plus emblématique de l’artiste, on compte la Cité radieuse à Marseille, une barre sur pilotis concrétisant une nouvelle forme de Cité ou encore le Musée national de l’art occidental à Tokyo, une structure en béton armé sur deux niveaux, un sous-sol et un toit-terrasse.

Quant à l’architecte brésilien, Oscar Niemeyer, il pourrait être qualifié de poète du béton armé. C’est surtout l’un des plus grands architectes du 20e siècle. Exilé en France dans les années 60, il est l’auteur de nombreux édifices comme le siège du parti communiste place du Colonel-Fabien à Paris, ou encore la Bourse du Travail à Bobigny. Pour résumer son œuvre et son usage du béton, citons l’artiste :

« Quand je dessine, seul le béton me permettra de maîtriser une courbe d'une portée aussi ample. Le béton suggère des formes souples, des contrastes de formes, par une modulation continue de l'espace qui s'oppose à l'uniformisation des systèmes répétitifs du fonctionnalisme international. »

Un architecte plus local s’est beaucoup inspiré du béton au début du 20e siècle. Il s’agit de Tony Garnier très connu à Lyon pour une réalisation-phare : le stade Gerland inscrit aux Monuments historiques et chef d’œuvre de l’architecture en béton armé. Avec ce stade, la rigueur de son architecture traduit sa nostalgie du style antique. De façon plus globale, il aura avec de multiples autres projets généralisé l’utilisation du béton dans la ville.

 

Stade Gerland à Lyon, France

 

Des héritiers tournés vers l’innovation

Parmi les architectes plus proches de nous, nombreux sont ceux à avoir continué à créer et innover avec le béton.

Dans les Alpes, dans les années 60, un petit groupe d’architectes ont conçu les « maisons bulles ». Il s’agit de maisons dômes aux formes ovoïdes construites grâce à la technique du voile de béton. Cette technique initiée par la Haut-Savoyarde Claude Costy est à la fois peu coûteuse et peu gourmande en béton. Un bel exemple de la multiplicité des possibilités offertes par le matériau.

À Arles, Franck Gehry marque de son empreinte les anciens ateliers de la SNCF avec une tour-sculpture facettée de métal et de béton. Un nouveau totem de l’artiste pour abriter un programme interdisciplinaire au croisement de l’art, de l’environnement, des droits de l’Homme et de l’éducation. Ce geste architectural de 56 mètres de haut est la manifestation d’une force invisible. La structure se compose d’une tour rectangulaire de béton, un noyau central qui sert de socle vertical à une vingtaine de planchers répartis sur 10 étages comme les pétales d’une immense tige fleurie. Ce sont donc 6 000 m2 de plancher en béton qui sont reliés par des piliers métalliques.

Pour Giovanni Lelli aussi le béton rime avec innovation. L’architecte a mis son talent créatif au service de groupements scolaires, de logements ou encore d’équipements culturels. Pour une usine de traitement des eaux, il a mêlé le béton et le verre avec des plaques de béton serties de micro-billes. Un vrai défi technique et artistique. Pour une école, des pigments ont été dispersés sur des panneaux de béton installés sur des tables vibrantes. Des prises de risques mesurées pour innover toujours un peu plus avec le béton.

À Marseille, c’est l’architecte Rudy Ricciotti qui a permis de faire émerger le MuCEM, un musée aux formes architecturales surprenantes avec une vue imprenable sur la Méditerranée. Pour transformer la gare de Nantes, c’est aussi lui qui a pris le parti d’allier le verre et le béton pour faire du lieu une grande fenêtre sur la ville.

Enfin, à Toulouse, l’artiste Milène Guermont a fait du siège social d’une entreprise une véritable œuvre d’art. Elle a imaginé une œuvre en béton polysensoriel. Un simple effleurement déclenche en effet de façon très poétique toute une série de sons.

 

Le Mucem, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille, France.

 

Grenoble : le béton assumé et revendiqué

S’il est une ville de la région Rhône-Alpes-Auvergne qui assume et revendique particulièrement une présence esthétique voire artistique du béton, c’est certainement Grenoble. Son expression la plus récente est celle de l’extension de la Cité des Territoires, lieu qui rassemble les géographes et urbanistes de l’Université grenobloise. Le bâtiment est un long rectangle dont les façades les plus longues sont habillées de lames en béton de 12 à 14 mètres de haut et de 14 tonnes. Ces lames forment des brise-soleils tout en réverbérant la lumière naturelle au cœur du bâtiment. Les éléments de béton sont réalisés sans joints d’une seule pièce pour une plus grande pureté des lignes.

Un autre bâtiment contemporain est sublimé par le béton, ce sont les Archives départementales de l’Isère situées dans la banlieue de Grenoble à Saint-Martin-d’Hères. La paroi extérieure en béton rappelle la tonalité des falaises environnantes. Il s’agit de quatre monolithes en béton matricé dont la teinte rappelle les veines ocre jaune orangé des roches calcaires. Les matrices rappellent quant à elle les fragmentations horizontales. Les différentes strates de la paroi extérieures ont été coulées sur place. Le béton résulte donc ici d’un choix esthétique mais aussi environnemental du fait de ses performances thermiques.

Mais à Grenoble, la présence du béton est historique. Il faut dire que le béton a été inventé par un Grenoblois, Louis Vicat il y a un peu plus de 200 ans. Le matériau a alors servi à l’édification d’une grande partie de la ville. Le monument en béton le plus emblématique de Grenoble est sans aucun doute la fameuse Tour Perret, une tour d’observation située dans le Parc Mistral, construite en 1924. Elle porte le nom de son architecte, Auguste Perret. Il s’agit à l’époque de la 1ère tour en béton armé du monde. Haute de 95 mètres, elle repose sur des fondations de 15 mètres constituées de 72 pieux de béton armé. De section octogonale, la tour a un diamètre de 8 mètres à la base. Avec des coffrages modulaires et répétitifs, elle est le résultat d’une pensée architecturale très moderne.

 


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